Karibou : « Un site a listé 20.000 clichés du cinéma »
Fan de cinéma, Karibou s’amuse à détourner tous ces clichés que l’on a déjà vus et revus des milliers de fois. Son « Cinéramdam », dessiné par Witko, n’épargne aucun genre et enchaine les histoires courtes avec beaucoup d’humour.
Quel cliché du cinéma vous a donné l’idée de cet album ?
Karibou. Je pense que le cliché qui est arrivé en premier est celui de l’astronaute qui panique dans l’espace à cause d’une menace. C’est un cliché qui fait partie du genre et qui doit se trouver dans à peu près 99% des films de science-fiction. Je sais que c’est une façon d’apporter du conflit dans le film mais j’ai toujours trouvé ça drôle que des gens qui sont censés être au top du top tombent dans la panique aussi facilement et fassent des erreurs qui vont leur coûter, probablement, la vie.
Ces clichés vous énervent dans les films ?
K. Je pense que c’est comme la vie. On a tous besoin de nouveautés et d’expérimenter de nouvelles choses mais avoir de petites habitudes est agréable, réconfortant. Les clichés sont des habitudes cinématographiques et il est plaisant de les voir de temps en temps et d’y revenir. On sait ce qu’il va se dérouler devant nous et on s’installe confortablement pour regarder pile ce qu’on attend.
J’ai le sentiment que ces clichés sont moins présents en bande dessinée…
K. Je pense qu’il y a un pan entier de la bande dessinée sérieuse qui est très cliché mais son apogée était il y a déjà quelques temps et son succès fait moins la une. Sans compter toutes les BD comiques comme « Les fonctionnaires » ou « Les profs » qui jouent sur les clichés de métiers. Aujourd’hui, selon moi, les BD les plus prisées (et récompensées donc celles dont on parle) sont souvent des autofictions (ou des autobiographies) très ancrées dans le réel. C’est alors plus difficile d’y trouver des clichés. Aucun auteur de BD n’a perdu sa famille à cause de la mafia et a ensuite décidé de se venger en tuant à peu près 340 hommes de main. D’ailleurs, je payerais cher pour lire ça (sourire).
Est-ce que les gags de certains clichés vous ont donné du fil à retordre ?
K. Oui ! Il y a même des gags que j’ai jetés à la poubelle car je n’arrivais pas à trouver une chute correcte, même si dans l’absolu, je considère qu’une chute n’est pas forcément nécessaire. Ceci dit, ce qui est le plus dur, ce n’est pas de trouver une façon de détourner le cliché mais quelque chose de plus terre à terre : le nombre de pages. Pour certains clichés, j’ai dû réduire les pages donc il faut couper des dialogues mais aussi trouver une façon plus directe de faire le gag tout en gardant l’esprit du cliché. Vu que j’ai tendance, car je trouve ça très drôle, d’allonger le gag et les silences, ce n’est tout de même pas forcément inutile de me mettre ces contraintes de pagination (sourire).
Comment avez-vous listé tous les clichés répertoriés dans cet album ?
K. Witko m’a donné une liste et on en a parlé. La rédac aussi a suggéré des clichés. De mon côté, j’ai vu beaucoup trop de films dans ma vie pour ne pas en avoir mémorisé malgré moi. Je me suis quand même aidé du site Tvtropes.org qui compile absolument tous les clichés, même les plus spécifiques, de tous les genres de films. C’était une mine d’or pour trouver des idées.
Pourquoi avoir choisi de parodier le plus souvent des genres (science-fiction, comédie romantique, horreur,…) plutôt que des films précis ?
K. Sans doute parce que c’est plus reconnaissable pour les lecteurs. Tout le monde n’a pas vu « Opération Espadon » et sa scène du « Hacke le Pentagone en 30 secondes sinon tu meurs » mais beaucoup ont vu un film utilisant ce cliché d’une manière ou d’une autre. On se limite moins en prenant un genre plutôt qu’un film précis. Pour être parodié, un film doit être reconnaissable (personnages, décors, dialogues) donc il faut installer son univers plus longuement. Si on se concentre sur le genre, une case peut mettre une ambiance : les rues de New-York, l’espace ou une ville de western.
Vous n’avez pas encore épuisé tous les clichés puisqu’il manque par exemple le duo de flics totalement opposés. Cela signifie qu’un tome 2 est envisageable ?
K. Oh oui. Je viens de regarder sur Tvtropes, en 2011 ils avaient listé 20.000 clichés. Depuis, j’imagine, ça a dû augmenter considérablement. J’ai de quoi faire. Sans compter que j’ai dû passer à la trappe certains gags car ils déséquilibraient la BD et la faisait pencher trop vers un certain genre (celui du film d’action). Pourquoi pas faire un deuxième album ! J’ai très hâte de raconter l’histoire de ce duo de flics que tout oppose ou du flic qui travaille mieux en solo et « non commissaire je ne veux pas d’un équipier ! »
Propos recueillis par Emmanuel Lafrogne
(sur Twitter)
« Cinéramdam – Tous les Clichés du cinéma » de Witko et Karibou. Fluide Glacial. 10,95 euros.