Jean-Pierre Pécau: «Hitler a jeté un sort sur le monde»

Le scénariste Jean-Pierre Pécau adapte «Les cent derniers jours d’Hitler» de Jean Lopez et raconte la fin du IIIe Reich de façon très factuelle. Une leçon d’histoire passionnante et très documentée.

Comment avez-vous découvert le livre « Les cent derniers jours d’Hitler » de Jean Lopez?
Jean-Pierre Pécau. Jean Lopez est sans doute à ce jour l’un des meilleurs historiens de la Seconde Guerre mondiale. Tous ses livres méritent d’être lus et tous abordent leur sujet sous un angle original. « Les cent derniers jours d’Hitler » également. J’en profite pour répondre par voie de presse à un troll des maudits réseaux sociaux. Selon l’Académie française, on dit d’Hitler, comme on dit d’Hugo, et pas de Hitler.

Le livre est découpé chronologiquement jour par jour, et même heure par heure. Votre adaptation fonctionne de la même façon avec une ou deux planches par jour. Ce découpage était bien adapté au format BD?
J-P.P. C’est justement ce qui m’a attiré. Le découpage de Jean Lopez collait parfaitement à l’édition d’une bande dessinée. Une page, un jour, c’était parfait.

Hitler est forcément un personnage fascinant pour un historien?
J-P.P. L’origine de « fascinant » vient du latin « jeter un sort », alors assurément Hitler est fascinant. Il a jeté un sort sur le monde et le monde ne s’en est toujours pas remis. Il y a eu des centaines de théories pour expliquer l’origine et les méfaits d’Hitler, je me tiens à la définition de Malraux : « En 1940, le mal est descendu sur Terre ».

Durant ces cent derniers jours, contre l’avis de ses officiers, Hitler pratique une politique de la terre brûlée en sacrifiant l’Allemagne. On peut être surpris que personne ne se soit vraiment opposé à sa folie suicidaire?
J-P.P. Je pense qu’au contraire très peu de gens étaient d’un avis différent. On a voulu isoler Hitler dans sa folie pour panser les plaies de l’Europe et jeter un voile pudique sur l’opinion allemande et son armée, en rejetant la responsabilité sur Hitler et ses SS par exemple. C’était sans doute la chose à faire en 1945, mais à y regarder de près, c’est l’Allemagne tout entière qui était infectée et suivait son Führer, qui signifie guide ou chef en allemand, jusqu’en enfer.

« Les 100 derniers jours d’Hitler » insiste également sur les immenses souffrances subies par le peuple et même l’armée allemande. C’est important de le rappeler?
J-P.P. C’est important comme contrepoint à l’immense souffrance que les Allemands ont fait subir au monde. C’est aussi important de montrer que même avec toute cette souffrance, les Allemands ont continué à suivre leur guide. Au grand étonnement des alliés d’ailleurs, qui pensaient par exemple que les bombardements de masse feraient se retourner l’opinion allemande. Il n’en a rien été.

Il est difficile de ne pas faire le rapprochement avec la situation actuelle en Russie par exemple. Cet écho dans l’actualité est important pour vous quand vous écrirez un livre?
J-P.P. La guerre d’agression en Ukraine est sans doute l’événement le plus important depuis justement la fin de la Seconde Guerre mondiale ; et nous ne sommes qu’au commencement de cette nouvelle période. Personne ne peut dire comment elle se finira. C’est alors évidemment quelque chose qui est présent à mon esprit. Dans les années 30, on aurait pu arrêter Hitler et éviter cette folie si les démocraties s’en étaient donné les moyens. Nous sommes exactement dans la même situation. Poutine n’est pas Hitler, mais la folie est la même et les conséquences peuvent être identiques si on abandonne l’Ukraine.

Propos recueillis par Emmanuel Lafrogne
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«Les cent derniers jours d’Hitler» par Senad Mavric et Jean-Pierre Pécau. Delcourt. 26,99 euros.

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