Jean-Pierre Pécau: « Des dragons durant la Renaissance »
En situant « Le dernier dragon » à la fin du XVe siècle, Jean-Pierre Pécau se démarque des habituelles séries d’heroic fantasy et crée un univers presque crédible et riche en intrigues politiques. Dans cette interview, le scénariste cite d’ailleurs « Star Wars » et « Game of thrones ». Des références parfaites pour un premier tome brillant.
Savez-vous quand sont apparus les premiers dragons dans l’imaginaire collectif ?
Jean-Pierre Pécau. Ça date de l’Antiquité. Dans ses histoires et comme retranscrit en début d’album, Hérodote parle vraiment d’une vallée des dragons. Ces légendes existent d’ailleurs dans toutes les civilisations et quasiment partout sur la planète, autant en Europe qu’en Chine, en Inde ou en Amérique du Sud. Il existe d’ailleurs un livre sur le sujet : « Histoire naturelle des dragons » par Michel Meurger aux éditions Terre de Brume.
J’imagine que les dragons ont été le point de départ de cette série…
J.-P. P. C’est un projet qui date d’au moins vingt ans au tout début de la collection Série B avec Blanchard et Vatine. On cherchait de nouveaux sujets et l’un de nous a lancé l’idée d’une série sur les dragons. Le projet a été mis en sommeil après le départ de Vatine. C’est ensuite devenu une série un peu maudite. Un premier dessinateur anglais s’est en effet malheureusement tué en voiture. Puis plusieurs années plus tard, Léo Pilipovic a commencé à dessiner cette histoire, mais a lui aussi été victime d’un accident de la route. Fort heureusement, il s’en est sorti, mais a tout de même passé six mois à l’hôpital. Cela a donc reporté le projet jusqu’à aujourd’hui.
Durant ces vingt années, les dragons sont revenus sur le devant de la scène grâce à « Game of thrones »…
J.-P. P. Ils n’ont jamais été oubliés. Il y a des dragons dans tous les livres d’heroic fantasy. Mais, c’est vrai que la série télé les a remis un peu à la mode. Le grand public les a redécouverts avec « Game of thrones ».
Comme dans la série, ce sont des femmes qui détiennent le pouvoir de diriger les dragons…
J.-P. P. C’est important, car c’est présent dans plein de légendes sur les dragons. Ils sont très souvent assimilés aux femmes : aux sorcières ou aux magiciennes. Circé possède un dragon. On peut l’expliquer de façon plus ou moins psychanalytique. C’est un peu comme la licorne.
Dans ce premier tome, on découvre que les dragons sont en voie d’extinction. Comme le titre le suggère, « Le dernier dragon » va révéler le mystère de leur disparition ?
J.-P. P. C’est un vieux ressort scénaristique. C’est un peu la même chose que « Star Wars » avec le dernier des Jedi. Il s’agit ici de l’ordre des dragons. Comme les chevaliers Jedi ou les templiers, c’était une sorte de milice chargée de faire régner la paix dans le monde. Il était intéressant narrativement de montrer la fin de ce cycle.
Contrairement à une série d’heroic fantasy qui se déroule dans un monde totalement imaginaire, « Le dernier dragon » s’inscrit dans une réalité historique…
J.-P. P. L’heroic fantasy pure et dure m’emmerde un peu (sourire). Le barbare en cotte de mailles, sa copine en slip panthère et les tigres avec des dents de sabre, ça ne me branche pas vraiment. J’en ai lu beaucoup quand j’étais jeune et c’est revenu à la mode, mais ça me tombe toujours des mains. On est tout le temps dans la même structure. Comme je suis un fan de la Renaissance, qui marquerait la fin de l’âge magique avec le début de la science, j’avais envie d’y ajouter une surcouche de dragons. Cela m’amuse d’avoir un monde avec le Pape Borgia et de voir ce que Leonard Vinci aurait pu inventer dans un univers où des dragons possèdent une sorte de pierre philosophale aux vertus magiques dans le crâne.
Il n’y a pas un héros ou un groupe de héros, mais plusieurs personnages principaux. Cela annonce de nombreux albums pour dérouler les différentes intrigues ?
J.-P. P. Exactement. Je voulais faire une bande dessinée chorale avec au moins trois personnages principaux qui allaient se rejoindre dans une quête unique, c’est-à-dire la découverte des derniers œufs de dragon. Il va donc y avoir cette série principale, mais aussi une autre série parallèle centrée sur l’ordre des sorcières Drac qui sortira d’ici six à huit mois. L’idée est d’avoir un ensemble de fils dramatiques qui convergeront au bout d’un moment. C’est une façon de raconter l’histoire de façon plus moderne. Cela ressemble un peu à « Game of thrones « !
Propos recueillis par Emmanuel Lafrogne
(sur Twitter)
« Le dernier dragon, tome 1. L’oeil de jade » par Jean-Pierre Pécau et Léo Pilipovic. Delcourt. 15,50 euros.