Hervé Bourhis: «Un mix entre mon infarctus et mes souvenirs de DJ»
« Mon infractus (quand j’étais DJ) » témoigne d’un événement douloureux, un infarctus à l’âge de 48 ans, en évitant soigneusement le côté larmoyant de ce genre de bouquin. Hervé Bourhis ne se lamente pas sur son sort et réussit même un livre drôle et léger, qui combine son accident coronaire avec sa passion pour la musique. Une ode joyeuse à la vie !
Comme vous le rappelez au début du livre, il existe déjà beaucoup de témoignages sur la maladie en bande dessinée. Vous êtes client de ce genre de littérature?
Hervé Bourhis. Non, je n’aime pas ça, sauf quand la forme est extraordinaire, comme c’est le cas dans « L’ascension du haut-mal » de David B, ou l’extraordinaire « Carnet de santé foireuse » de Pozla. C’est un peu facile d’émouvoir en imposant sa douleur aux autres, et puis c’est devenu une niche éditoriale, c’est devenu banal. J’essaie de créer des livres originaux et de ne pas suivre le vent. Mais, au final, je l’ai quand même fait !
Il était tout de même important pour vous de raconter votre infarctus?
H.B. Oui, alors que je ne voulais pas le faire, c’est bien le premier projet que j’ai réalisé après ma convalescence. Probablement que j’en avais besoin, c’était une catharsis. Il fallait se débarrasser de ça avant de passer à autre chose. Mais la santé n’est qu’un des sujets du livre, il y en a bien d’autres.
Ce drame vous a changé?
H.B. Ça m’a forcément changé, puisque ma vie a changé depuis. En gros, quand ce genre de choses nous arrive, du jour au lendemain, on se découvre mortel, puisqu’à une heure près, j’y aurais peut-être laissé ma vie. Mais je ne suis pas le mieux placé pour savoir si ça m’a changé tant que ça. En parallèle, j’ai eu 50 ans, donc c’est de toute façon un âge où l’on change. Dans tous les cas, je travaille moins. Je travaille différemment.
Avant « Mon infractus », vous aviez déjà envisagé de raconter vos souvenirs de DJ amateur?
H.B. Oui ! J’avais pris des notes, mais j’aurais peut-être sorti ça en fanzine, à compte d’auteur, pour mes amis. Ce n’était pas abouti. C’était juste des notes pour ne pas oublier.
C’était un pari osé de traiter deux thèmes si différents dans le même livre?
H.B. En fait, ça cohabite très bien. C’est parce que ça cohabite que le livre a pu exister. Un thème sans l’autre, et il n’y avait pas de livre. C’est bien la rencontre de l’infarctus et des souvenirs de DJ qui a rendu le livre pertinent et excitant à faire. C’est quand je suis retombé sur le terme BPM dans un livre, qu’on utilise quand on passe de la musique en public, que j’ai eu le déclic. « Battement par minute », un terme qu’on utilise en cardiologie et en Djing. J’ai justement « mixé » les deux. Et ça m’a permis de faire un livre joyeux et vital au lieu de me plaindre.
Vous parlez aussi de votre métier, d’un certain manque de succès et d’une reconnaissance relative du milieu. C’est rare qu’un auteur se livre ainsi. C’est probablement le passage où vous vous mettez le plus à nu. C’est venu naturellement?
H.B. Je n’ai pas réfléchi à grand-chose. C’est sorti tout seul, en deux mois. Trois planches par jour. J’étais à un moment où l’on ne ment pas. On fait le point et ce n’est pas le moment de jouer au héros. C’est maintenant que c’est sorti et qu’on m’en parle que je prends conscience de certaines choses. L’anxiété liée à ce métier a causé cet accident, point. C’est ainsi. Je repars quasiment à zéro à chaque album, après 20 ans de carrière. Je ne suis pas le moins bien loti dans la profession, assurément, mais je ne peux jamais me reposer sur mes lauriers, vu que mes lauriers vieillissent et se désagrègent.
Vous ne cherchez jamais à donner des leçons et admettez même un certain manque de discipline pour faire du sport, manger moins gras ou réduire l’alcool. C’était important de ne pas être moralisateur?
H.B. Je n’ai jamais donné de leçons dans aucun de mes livres. À chacun de se faire sa propre opinion. Je prends mes lecteurs pour des gens intelligents. Je ne touche malheureusement pas assez le très grand public pour être confronté aux cons et aux haters (sourire).
J’espère que la sortie de cet album très intime ne vous génère pas un stress supplémentaire?
H.B. Pas trop de stress, non. Mais franchement, tout le monde est très gentil jusqu’à présent. Je pense que quand on est visiblement sincère, on reçoit de l’amour en retour.
Propos recueillis par Emmanuel Lafrogne
(sur Twitter)
«Mon Infractus (quand j’étais DJ)» par Hervé Bourhis. Glénat. 14,99 euros.