Dimitri Gigault : « L’histoire d’un catcheur »

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Basé sur le catch et plus précisément sur sa version japonaise, la série « Les rois du ring » raconte avant tout l’histoire d’un jeune qui veut aller au bout de ses rêves. Ce qui plaira autant aux aficionados de la WWE qu’aux réfractaires de ces matchs arrangés.

Est-ce que le catch est vraiment une passion ?
Dimitri Gigault. Je dirais plus un hobby qu’une passion. J’aime le catch et je n’en ai même pas honte. Il est certain que si je regardais 22 gars courir après un ballon, là je ne le crierais pas sur les toits ! Mais deux hommes en slips devant 10.000 personnes… Ça remonte à l’enfance et aux années 80, où je regardais les superstars du catch sur Canal + en clair le dimanche soir. Plus tard, au collège, je regardais les PPV (Pay Per View ou galas en français) chez un copain qui avait un décodeur. On achetait des magazines, deux ou trois figurines. J’avais même un poster de l’Ultimate Warrior ! Maintenant c’est plus calme, je regarde toujours les PPV quand je n’oublie pas, et tous les ans, début avril, avec une bande de copains, on regarde le show de l’année en faisant des pronostics. C’est notre Super Bowl à nous.

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Aujourd’hui, on connaît surtout le catch américain. Pourquoi avoir choisi de vous intéresser à sa version japonaise ?
D.G. La version américaine a plus de visibilité, mais je voulais que mon histoire soit crédible. Tous les catcheurs américains pourront vous dire que ce n’est pas donné à n’importe quel étranger de catcher au Japon. Il faut vraiment être bon. Beaucoup des meilleurs catcheurs y ont passé quelque temps. Le folklore veut que si on réussit au Japon, on peut réussir partout dans le monde. C’est la version combat de New-York New-York. Il parait même que Hulk Hogan a fait des bons matchs là-bas. Ça aurait aussi pu se passer au Mexique, où le catch est une vraie religion, mais ce n’était pas assez loin de Dallas, et je ne connais pas le Mexique. Le Japon permet surtout de mettre des obstacles à Tobias : il ne parle pas la langue, ne connait pas les coutumes et dès le début, il se rend compte que finalement, il ne connait pas leur façon de catcher. Il doit repartir de presque zéro.

On découvre que c’est un catch plus violent où les coups ne sont pas retenus et on a l’impression que c’est davantage axé sur le combat que sur le spectacle ?
D.G. On appelle ça le « shoot wrestling ». Quelques catcheurs américains, un peu bourrins, font des matchs de ce style, en général contre des petits nouveaux pour leur apprendre le métier. On a coutume de dire, dans certains cercles, qu’en France, le catch c’est une farce, qu’aux États-Unis c’est un divertissement, qu’au Japon c’est un sport et qu’au Mexique c’est une religion. À mon avis c’est un mélange de tout ça, sauf pour la religion. Il existe des fédérations japonaises, comme la Dramatic Dream Team, où plus de la moitié du show n’est que blagues et humour potache. Mais même là, les claques font beaucoup de bruit et laissent des marques. Au Japon, il y a beaucoup de tournois, et les ceintures ont vraiment de l’importance. Ainsi, ils n’ont pas besoin d’histoire pour faire combattre deux gars.

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Dans la première séquence consacrée à l’entraînement de catcheur, l’entraîneur explique que pour bien jouer la douleur, il faut l’avoir vécue. Il était important de montrer que cette discipline reste un sport de combat ?
D.G. Ce n’est pas un sport de combat, comme le karaté ou le judo, dans la mesure où les deux opposants savent qui va gagner et qui va perdre, et que le plus important est de ne pas blesser son adversaire. Par contre, comme dans un vrai sport, il faut être très bien entrainé sinon la blessure n’est pas loin. Il faut de l’endurance, pouvoir soulever un gars de 100 kilos après 20 minutes de match, ce qui n’est pas à la portée du premier venu. Les catcheurs sont des athlètes. Il y a aussi un côté comédien. Si on vous fait une clé de bras et que vous ne savez pas comment réagir, ce sera raté. Et ça permet aussi de montrer que les prises peuvent faire mal, très mal.

Avec le lexique publié en fin d’album, vous décrivez précisément les différentes prises de catch tout en y intégrant des informations sur le style de votre héros. Pourquoi ne pas avoir intégré toutes ces informations au récit ?
D.G. Excellente question ! Le récit se base sur le catch, mais ce n’est pas une histoire de catch, mais l’histoire d’un catcheur. Pour moi il était plus important de montrer ses sacrifices que ses performances, de montrer ce qu’il fait avant et après ses matchs que pendant. Dès le début, j’ai essayé de faire en sorte de ne pas mettre de mot ou de concept que seuls les connaisseurs comprendraient. D’où ce lexique pour expliquer les termes barbares. Mais, il aurait été barbant pour tout le monde s’il était resté didactique, donc j’ai intégré Tobias aux explications. Au final, j’explique des prises qui ne sont mêmes pas dans le livre, comme la prise de soumission que Tobias fait pour rendre hommage. Ça permet de continuer à faire vivre Tobias alors que le livre est fini. Peut-être qu’un jour, il y aura un « Tobias présente le petit livre du catch, 1001 prises que vous rêvez de comprendre ».

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« Le roi du ring » n’est pas seulement une série sur le catch, mais ouvre également d’autres perspectives en introduisant une histoire d’amour avec la fille d’un yakusa. Est-ce que c’était votre idée dès le départ ou est-ce que c’est venu se greffer par la suite ?
D.G. Une fois que Tobias s’est acclimaté au Japon, je lui mets un nouvel obstacle dans les jambes : une fille. Et un autre avec le père. « Le roi du ring » est une (auto)biographie, c’est la vie de Tobias, et dans la vie de tout le monde, il y a l’amour, la mort, les amis, les impôts… Je crois que tout le monde se serait ennuyé si le livre n’était qu’une succession de combat.

C’est aussi un moyen de ne pas se limiter aux fans de catch ?
D.G. Notre objectif n’a jamais été de faire une BD pour les fans de catch. Au contraire même, c’est un livre pour tout le monde. Il fallait que les fans y trouvent leur compte, mais que ceux qui détestent ou n’y connaissent rien, ne se sentent pas perdu et vibrent pour Tobias, aient envie de savoir s’il va réaliser son rêve ou pas.

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Cet album séduit également immédiatement grâce aux dessins de Julian Rolland et son petit côté rétro…
D.G. Je connais Julien depuis longtemps. Il m’impressionne par le dynamisme de ses personnages, la vie qu’il arrive à mettre dans quatre ou cinq traits. Il déteste le catch, et le pauvre a dû en regarder des heures afin de trouver le bon arrêt sur image des prises que je voulais. Le catch est un sport de mouvement, ce n’est pas facile de représenter une prise complexe, voir un enchainement en une case.

Propos recueillis par Emmanuel LAFROGNE

« Le roi du ring » – Tome 1. « Graine de champion » par Dimitri Gigault et Julien Rolland – Dargaud – 13,95 euros.

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– Lire également la chronique
 du « Roi du ring »

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