RANDY SHILTS
Comment un journaliste américain va révéler au grand public l’existence du « cancer gay » dans les années 80. Documenté.
Au début des années 80, Randy Shilts est embauché par le San Francisco Chronicle et devint ainsi le premier journaliste ouvertement gay dans un grand journal américain. Rapidement il découvre que nombre d’homosexuels sont atteints d’un cancer de la peau rarissime (le sarcome de Kaposi) et décide de mener l’enquête. Face à l’indifférence générale et afin d’alerter sur la gravité de la situation, il décide d’aller à l’encontre de l’éthique journalistique en propageant l’idée de l’existence d’un « patient zéro », un steward canadien ayant fréquenté le principal sauna gay de San Francisco. Il s’avérera toutefois que ce malheureux steward ne fut en réalité qu’un des premiers cas de contamination aux États-Unis et en aucun cas à l’origine de celle-ci.
Si grâce au covid, la notion de « patient zéro » est désormais bien connue, cet épisode embarrassant marquant la révélation au grand public du sida – appelé à l’époque le « cancer gay » – l’est beaucoup moins. Clément Xavier (« Jujitsuffragettes », « Waco Horror ») le raconte de manière documentée en insistant sur les discriminations envers la communauté homosexuelle dans une ville pourtant « gay friendly ». Il réhabilite aussi Randy Shilt, journaliste très décrié à l’époque mais qui nous est dépeint ici comme un lanceur d’alerte avant tout qui a joué un peu avec les faits pour que la vérité explose. L’ensemble est mis en image avec sobriété par Héloïse Chochois (« La génétique du coeur », « La Fabrique des corps »).
« Randy Shilts » est aussi une bonne occasion de rappeler que le sida continue aujourd’hui de faire des victimes – 1.726 décès par jour dans le monde – même si on n’en parle plus. En France, en 2023, 24.000 personnes ignoraient leur séropositivité tandis que la diminution observée des cas dépistés entre 2019 et 2020 (-13%) a été totalement rattrapée en 2022.
Dessinatrice: Héloïse Chochois – Scénariste: Clément Xavier – Editeur: Glénat – Prix: 23 euros.