PIMENTS ZOIZOS – Les enfants oubliés de La Réunion

Jean est un des « enfants de la Creuse », ces petits Réunionnais placés en familles d’accueil en métropole dans les années 1960. Plongée vivante et instructive au coeur d’un scandale d’Etat.

C’est un pan de l’histoire des relations entre la France métropolitaine et ses départements d’Outre-mer et ce n’est pas le plus reluisant: le mouvement migratoire institutionnalisé par l’Etat français dans les années 60, face à une île de La Réunion jugée surpeuplée. Des milliers d’enfants seront séparés de leur famille et envoyés dans des départements métropolitains peu peuplés jusque dans les années 80.
Ce n’est pas la première fois que les éditions Steinkis publient une bande dessinée sur ce douloureux sujet: « Péyi An Nou » de Jessica Oublie et Marie-Ange Rousseau, Prix de la BD politique 2018 de France Culture, racontait déjà l’exil forcé de petits Guadeloupéens sous l’égide du Bumidom, le Bureau pour le développement des migrations dans les départements d’outre-mer créé en 1963 à l’initiative de Michel Debré. Les « enfants de la Creuse » dont traite « Piments zoizos » est toutefois un projet indépendant du Bumidom, même s’il s’est inscrit dans la même logique concernant les jeunes en âge de travailler.
Ici, le Réunionnais Téhem raconte le destin du petit Jean, arraché à sa mère par les services sociaux, séparé de sa petite soeur et trimbalé de foyers en familles d’accueil sous une nouvelle identité. Adulte, il décidera de retourner dans son île sur les traces de son passé. Aidé par Gilles Gauvin, historien et membre de la Commission des enfants dits de la Creuse chargée par le gouvernement de rendre un rapport sur ce scandale, l’auteur s’est aussi attaché à raconter les rouages administratifs en mettant en scène Lucien Hérant, tout jeune fonctionnaire affecté au Bumidom.
Basés sur de vrais témoignages, trois récits fictifs – Jean enfant, Jean adulte et Lucien Hérant – au style crayonné expressif s’entrecroisent donc pour explorer le sujet le plus largement possible. Des informations supplémentaires sont distillées au fil des pages grâce à de fausses Unes de journal. Il en ressort un album à la fois vivant, poignant et didactique sur un épisode méconnu de la Ve République.

Dessin et scénario: Téhem – Editeur: Steinkis – Prix: 18 euros.

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