L’HIVER DU DESSINATEUR
Les dessinateurs espagnols Cifré, Conti, Escobar, Giner et Peňarroya fondent « Tio Vivo » en 1957, le premier journal autogéré par ses auteurs. Une chronique intéressante sur le monde de l’édition sous le régime franquiste.
Dans l’Espagne des années 50, Bruguera est un poids lourd dans le monde de l’édition et de la bande dessinée en particulier. Les dessinateurs qui y sont employés sont certes connus mais ils sont payés à la planche et ne sont ni propriétaires de leurs planches ni de leurs personnages. Cinq d’entre eux – Cifré, Conti, Escobar, Giner et Penarroya – décident de fonder leur propre revue Tio Vivo en 1957.
Réussira, réussira pas? La question n’est pas le plus important. D’ailleurs, construit comme un grand flash back, l’album nous révèle d’entrée l’issue de cette ambitieuse aventure éditoriale… Pour Paco Roca, « L’hiver du dessinateur » est donc avant tout l’occasion de raconter un combat pour la dignité et la liberté dans un pays à peine sorti de la guerre, qui s’ouvre à la société de consommation, et où chaque planche publiée doit auparavant passer sous le crayon de la censure.
L’histoire est vraie, les protagonistes ont réellement existé et pour la retranscrire sur 128 pages, le jeune dessinateur espagnol – qui a grandi avec les personnages de BD publiées par Bruguera et avec l’idée que la maison d’édition « était un endroit merveilleux au même titre que la chocolaterie de Charlie » – s’est longuement documenté.
Certes, les planches de « L’hiver du dessinateur » s’avèrent un peu monotones, les personnages de Roca se présentant principalement en buste et dans les locaux de Bruguera ou de Tio Vivo. Il est aussi un peu difficile parfois de distinguer certains personnages les uns des autres, en particulier les dessinateurs les plus rondouillards, même si le trait est soigné.
Cependant, globalement l’album permet de bien ressentir l’ambiance de l’Espagne franquiste et de plonger dans les coulisses du 9e art des années 5. Les portraits des différents protagonistes sont intéressants, que ce soit Manuel Vasquez – auteur rebelle des « Hermanas Gilda » incapable de se plier à une quelconque discipline professionnelle – ou Rafael Gonzalez, journaliste persécuté par le régime franquiste devenu le directeur tyrannique de Bruguera.
« L’hiver du dessinateur » a reçu les prix du meilleur album et du meilleur scénario au Salon internacional del Comic de Barcelone 2011.