L’HERBE DU DIABLE – 1630, une sage-femme à Cologne
Alors que l’ombre de l’Inquisition pèse en permanence sur les habitants de Cologne, Garance exerce consciencieusement son métier d’accoucheuse. Un album féministe documenté.
Nous sommes en 1630 et alors que l’Europe est ravagée par la guerre, la famine et les épidémies, dans la ville de Cologne, le prince-évêque Ferdinand de Bavière fait régner la terreur, n’hésitant pas à accuser les sorcières de tous les maux. Garance, une sage-femme réputée et irréprochable, exerce elle selon les préceptes et dogmes de l’Église.
Benjamin Laurent a construit « L’herbe du diable » comme une fiction mais à partir d’une solide documentation dont on peut d’ailleurs profiter encore un peu plus dans le cahier bonus en fin d’album. Certains personnages sont réels – le prêtre Spee chargé de confesser les fameuses « sorcières » et Ferdinand de Bavière -, d’autres sont inspirés d’individus ayant existé (Justina Siegemund qui a écrit le premier traité d’accouchement édité en Allemagne et Christina Plum, une femme de 24 ans qui s’était auto-accusée d’être une sorcière) mais ils évitent de tomber dans la caricature.
L’histoire est simple, adaptée à un large public, et elle permet de dresser un large panorama des tâches dévolues aux accoucheuses (ou ventrières, disait-on alors) et de leur compétences, d’en savoir davantage sur les accusations de sorcellerie qui firent plus de 60.000 morts dans l’Europe du XVI et début XVII siècle et plus généralement de mieux se rendre compte de la place de la femme dans la société en pleine période d’Inquisition. Les planches de Claire Martin (« Le baron perché ») sont quant à elles élégantes et lisibles, même si un peu ternes parfois.
« L’herbe du diable » est donc une bande dessinée encore très actuelle, aux accents féministes et qui n’oublie pas d’évoquer la transmission du savoir et la sororité.
Dessinatrice: Claire Martin – Scénariste : Benjamin Laurent – Editeur: Jungle, collection RamDam – Prix: 18 euros.