Tiburce Oger : «La réalité dépasse souvent la fiction»
Pour ce troisième album collectif de la série « Go West » sur la conquête de l’Ouest, Tiburce Oger s’intéresse aux hors-la-loi et y ajoute une dimension documentaire. « Gunmen of the West » raconte en effet une douzaine d’histoires aussi rocambolesques que véridiques, toujours dessinées par les plus grands auteurs de western.
Go West est désormais devenue une série avec la sortie de ce troisième tome. Est-ce que sa création a été plus «facile»?
Tiburce Oger. En fait, non. Travailler avec autant d’auteurs différents est toujours un travail de jongleur. L’écriture pour chacun d’eux est un challenge pour moi, le but étant de ne pas les décevoir. Renouveler le concept à chaque tome avec un lien différent est également difficile.
Est-ce un exercice particulier d’écrire des histoires courtes ? Quelles sont les principales difficultés?
T.O. Je trouve cela plus exigeant qu’un récit au long court, dans lequel on peut prendre le temps de poser les personnages et l’histoire. Dans une histoire courte, il faut plonger le lecteur dans l’univers proposé tout de suite. Trouver une fin digne de ce nom pour un récit long est ardu, mais pour une histoire courte, c’est un défi. Dans ces albums, j’ai donc une douzaine de défis (sourire). Nous en discutons très souvent avec mon éditeur Hervé Richez, scénariste d’une centaine d’albums, qui me donne son point de vue toujours affuté.
Quand vous écrivez une histoire, avez-vous déjà son dessinateur en tête ? Comment composez-vous l’équipe pour chaque album?
T.O. J’écris en ayant effectivement le dessin du dessinateur en tête. C’est assez magique et cela m’aide souvent à trouver le ton de l’histoire. Certains auteurs ont dû parfois se désister mais trouver un autre dessinateur n’a pas été difficile. Ce sont tous de sacrés pros, qui donnent tout leur talent et leur style au service des histoires.
Après le cowboy puis l’indien, vous vous intéressez au hors-la-loi. C’était la suite logique?
T.O. Dans tous les westerns hollywoodiens, c’est toujours manichéen, cow-boys contre indiens ou shérifs contre hors-la-loi. C’est donc un thème incontournable.
Personnellement, j’ai trouvé cet album encore plus intéressant que les précédents grâce à l’authenticité de toutes ces histoires. Pourquoi ce choix de cette fois vous appuyer sur des faits historiques?
T.O. À force de surenchère dans le cinéma et la bande dessinée, qui cherchent toujours à donner la dose d’émotions fortes au public, on oublie que la réalité dépasse souvent la fiction. Les personnages que la légende a retenus sont une infime partie des personnages rocambolesques que l’on peut trouver. C’est une façon de réhabiliter la véracité historique de la conquête de l’Ouest, à notre époque qui, sous prétexte de bons sentiments, a une fâcheuse tendance à réinventer l’histoire.
Est-ce qu’il va devenir compliqué de trouver de prochains thèmes ou avez-vous déjà plusieurs idées en réserve?
T.O. (Sourire) J’ai de nombreuses idées dans la tête et mon éditeur soutient le projet. Plusieurs tomes sont en préparation. J’accumule les thématiques et des anecdotes passionnantes.
Je mise sur une pièce sur un album consacré aux femmes de l’Ouest…
Je réfléchis depuis pas mal de temps à savoir si consacrer un des albums exclusivement aux femmes de l’Ouest est une bonne chose. Jusqu’à présent, « Go West Young Man », « Indians » et « Gunmen of the West » ont des histoires avec des héroïnes, femmes fortes, rebelles ou victimes, migrantes, amérindiennes, anciennes esclaves ou prostituées. Toutes eurent un rôle à jouer dans un monde patriarcal et sans pitié. Féministe dans l’âme, j’ai toujours eu à cœur de traiter des combats féministes et des abus que les femmes subissent depuis la nuit des temps. Ce qui me gêne dans l’idée de réaliser un album uniquement sur les femmes de la conquête de l’Ouest, c’est d’enfermer une fois de plus dans une case 51% de l’humanité.
Dans un album sur la conquête de l’Ouest, j’ai écrit des histoires avec des héroïnes, dans « Indians » également, et dans « Gunmen », il y a des flingueuses, et des vraies, pas des pétroleuses sans peur comme dans les histoires racoleuses actuelles qui veulent vendre une contre réalité. Des femmes se sont battues, oui, mais elles en ont bavé. Cela me dérange de les enfermer dans un album pour se donner bonne conscience et puis basta. Par contre, je serai honoré que des autrices nous rejoignent dans la saga « Go West » !
Propos recueillis par Emmanuel Lafrogne
(sur Twitter)
« Gunmen of the West » par Tiburce Oger et dessins collectifs. Grand Angle. 19,90 euros.