Mo/CDM: « La connerie humaine me surprendra toujours »
Sous-titré « Le conflit de générations », « Geekwar » oppose les jeunes et les seniors dans une guerre truffée de gags et de clins d’œil. Son auteur Mo/CDM en profite pour y dénoncer la bêtise humaine, mais aussi pour rendre hommage à « La cité des eaux mouvantes » de Christin et Mézières.
Comment est née cette idée de monde apocalyptique où s’affrontent les vieux et les jeunes ?
Mo/CDM. Je suis un grand « consommateur » de films de genre. « Apocalypse 2024 », « Les guerriers du Bronx » et autres « Mad Max » m’ont donné envie de dessiner des ruines. Quant au choix des équipes, je voulais que ce soit au moins aussi idiot que la plupart des raisons qui poussent les hommes à s’entre-tuer dans la plupart des guerres.
Est-ce que ce conflit de générations s’accentue aujourd’hui ?
Mo/CDM. Je ne crois pas. La perception du temps qui passe évolue avec l’âge, mais les tensions qui existent entre les générations sont, à mon avis, toujours les mêmes, car la raison principale reste toujours la même. À 20 ans, rien ne va assez vite. À 80 ans, c’est le contraire.
Chaque case ou presque s’amuse d’un cliché sur les vieux ou les jeunes. Est-ce que vous avez dressé des listes que vous avez ensuite essayé d’intégrer à vos histoires ? On devine presque une soirée entre amis à délirer sur le Régilait, le Dieu Ronald McDonald ou la salope de Lara Croft…
Mo/CDM. J’aimerais être aussi professionnel que ça, dresser des listes, définir mes personnages et leurs caractères, imaginer le plan du décor, etc… Mais j’en suis incapable. Je fonce et j’attrape au vol les idées qui passent par là. C’est à mon sens autant un défaut qu’une qualité.
Votre humour n’est jamais vraiment parodique. Est-ce ainsi plus facile de surprendre et donc de faire rire le lecteur ?
Mo/CDM. Pareil. Tout ceci n’est jamais anticipé. Faire rire, c’est vraiment compliqué. C’est vrai que j’aime les histoires à chutes mais sinon, je ne me refuse rien. Pas de règles, pas de recette miracle. De plus, chacun voit l’humour à sa porte. Alors….
Dans les premières pages, on découvre un quadra de 42 ans et demi. C’est vous ? Vous n’hésitez pas à vous moquer également de cette génération de bobos. C’était une manière de désamorcer d’éventuels conflits avec des jeunes ou des vieux ?
Mo/CDM. Oui (sourires) ! J’ai 42 ans et si je dois me définir, il est évident que je suis plus proche du bobo que de l’ouvrier. Mais l’idée n’est pas de désamorcer quoi que ce soit, c’est de souligner le côté surréaliste de la guerre. Combien de raisons de s’affronter jusqu’à la mort sont-elles réellement valables ?
Comme les quadras dans la BD, vous n’avez pas choisi votre camp ?
Mo/CDM. Si. J’ai 15 ans depuis 25 ans.
Il y aussi les « vieunes », c’est-à-dire les vieux qui essayer de vivre comme des jeunes, et à l’inverse les « jieux ». N’est-ce pas les pires ?
Mo/CDM. Non. J’en suis.
Même quand un vieux parvient à rejoindre une communauté isolée, de nouvelles tensions viennent lui gâcher le plaisir. C’est une version très pessimiste de la nature humaine ?
Mo/CDM. Oui, c’est vrai que l’album ne propose pas vraiment de raisons d’espérer. Je suis un témoin, comme chacun d’entre nous de ce qui se passe en ce moment, et je dois dire que la connerie humaine me surprendra toujours par sa capacité à se renouveler sans cesse…
Votre ville m’a rappelé l’univers apocalyptique de « Walking Dead ». Est-ce que ce cadre urbain et dévasté s’est immédiatement imposé pour raconter ce conflit et quelles ont été vos influences graphiques ?
Mo/CDM.
Comme je le disais précédemment, c’est le cinéma mon engrais principal. Le cinéma fantastique et SF des années 1975-1985, j’adore ça. Une décennie en or ! Et puis sinon, « La cité des eaux mouvantes » de Christin et Mézières. Quel album ! Quelle inventivité ! Et en plus avec de l’espoir ! La destruction de la statue de la Liberté par les eaux, les courses poursuites dans les décombres, le fauteuil gonflable des Nations unies qui sert de bateau, les robots, les hippies qui pillent, les scientifiques qui essaient de redémarrer le monde,… Tout est parfait dans cette BD et comme toujours avec Christin et Mézières, c’est impossible de mesurer l’influence qu’ils ont eue sur leurs nombreux lecteurs, cinéastes, dessinateurs, créateurs de jeux vidéo,… Je rampe à genoux devant eux. Je les vénère !
Cet album s’intéresse surtout aux vieux. Un deuxième tome avec la version des adolescents est envisageable ?
Mo/CDM.
A priori non, c’est bouclé. Mais c’est toujours la même histoire. Si l’album se vend bien, on ne sait jamais…
Propos recueillis par Emmanuel Lafrogne
(sur Twitter)
« Geekwar » de Mo/CDM. Fluide Glacial. 14 euros.