Jean-Charles Kraehn : « Barbe-Rouge m’a fait rêver »

Après une longue absence de seize ans, Barbe-Rouge est de retour. Son scénariste Jean-Charles Kraehn lui donne un nouveau départ dans une histoire de pirates pleine d’action mais aussi empreint d’une réalité historique très riche.

Qu’est-ce qui vous a donné envie de reprendre Barbe-Rouge ?
Jean-Charles Kraehn. La proposition m’a d’abord été faite par François le Bescond avec qui je travaille depuis des années chez Dargaud pour les séries « Tramp » et « L’Aviateur ». Ils (décision collégiale) avaient décidé de relancer ce célèbre personnage après plusieurs années de RTT et François avait pensé à moi pour le rôle de scénariste. Il n’avait pas fini sa phrase, qu’en un éclair (comme aurait dit JMC) je lui donnais mon accord. Quand on vous propose d’animer un personnage qui vous a fait rêver gamin, vous n’hésitez pas longtemps. Jean-Michel Charlier est un des raconteurs d’histoire que j’admire le plus en bandes dessinées. J’ai eu en plus la chance à mes débuts de le rencontrer et nous discutions beaucoup scénario, alors que je me concentrais plutôt sur le dessin à l’époque. Comme quoi…

Cette série a connu une vie mouvementée avec plusieurs auteurs et de nombreux éditeurs. Est-ce une raison pour laquelle vous avez choisi de démarrer ces « Nouvelles aventures » avec un tome 1 ?
J.-Ch.K. Non. Encore une fois, c’est une demande de l’éditeur de ne pas reprendre l’histoire là où Marc Bourgne et Christian Perrissin l’avaient laissée. L’objectif était, en quelque sorte, de donner un nouveau départ à ce personnage, un peu comme s’il s’agissait d’une nouvelle série, mais avec un nom déjà connu du public. La seule exigence était que les quatre personnages principaux apparaissent dans cette première aventure, à l’instar d’une famille qu’on retrouve.

Il n’est pas utile de connaitre Barbe-Rouge pour comprendre ces nouvelles aventures…
J.-Ch.K. Un souhait de l’éditeur que j’ai approuvé. Puisqu’on redémarrait, il était important, pour d’éventuels nouveaux lecteurs, que cette aventure puisse se lire sans connaître les précédentes.

En même temps, vous faites référence aux précédents albums. Tout cela n’a pas été trop difficile à concilier ?
J.-Ch.K. Non, car la référence à laquelle vous faites allusion est un ancien personnage dont on apprendra qu’il a un vieux compte à régler avec Barbe-Rouge, à la manière d’un ennemi récurrent. Mais l’intrigue présente n’a aucun rapport avec celle dans laquelle Jean-Michel Charlier les avait opposés. Les motivations de ce personnage sont simplement la vengeance. Cela n’embrouille donc pas mon récit. De toute façon c’est toujours important pour la cohérence d’une série et de ses personnages qu’il y ait régulièrement des références au passé. Regardez les aventures de Tintin. C’est ainsi qu’Hergé a construit l’univers de son héros.

Dès les premières pages, on devine un gros travail sur le texte, sur le vocabulaire ou la retranscription du langage oral…
J.-Ch.K. C’est bizarre que vous me disiez ça, je n’ai pas cette impression. Je pense avoir utilisé un langage neutre en évitant seulement les anachronismes. Il peut y avoir quelques mots ou tournures de phrases « à l’ancienne » mais je n’ai pas spécialement appuyé ce trait. Ou alors, c’est l’habitude de travailler dans l’historique qui prend le pas sur mon écriture sans que je m’en aperçoive (rire).

Ce premier tome n’est pas seulement une histoire de pirates pleine d’action, c’est aussi une vraie BD historique qui raconte beaucoup de choses sur cette période aux Antilles…
J.-Ch.K.
C’est une époque et des lieux que je ne connaissais pas bien, hormis les poncifs habituels, quand Dargaud m’a proposé cette reprise. J’ai donc commencé par beaucoup me documenter. Évidemment ces lectures ont nourri mon imagination et je m’en suis servi. De plus, sans être un historien, loin s’en faut, j’aime toujours débroussailler grossièrement pour le lecteur le contexte géopolitique. Ça situe l’action et rend le récit plus crédible, car cela m’oblige à respecter certaines vérités historiques qui crédibilisent le récit.

Quand on reprend une série du patrimoine de la BD, il est encore plus important de trouver le bon dessinateur. Cela a été simple pour Barbe-Rouge ?
J.-Ch.K. Il y a eu plusieurs candidats et plusieurs essais, mais Stefano, qui est un jeune dessinateur extrêmement doué, s’est vite imposé. En plus c’est un garçon charmant et très à l‘écoute, très pro. Nous échangeons beaucoup et, par sa vision des choses et sa mise en scène, il a magnifié mon scénario. Cette collaboration fut et est toujours un réel plaisir. Car la suite est en route, vous pensez bien. Sortie prévue l’année prochaine.

Propos recueillis par Emmanuel Lafrogne
(sur Twitter)

« Les Nouvelles Aventures de Barbe-Rouge » par Jean-Charles Kraehn et Stefano Carloni. Dargaud. 15 euros.

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