Hervé Bourhis: « Un hommage au cinéma »

« Animal Social Club » plonge dans les coulisses du cinéma français à travers les pérégrinations d’un couple de scénaristes qui cherche à monter un nouveau film. Cette comédie piquante d’Hervé Bourhis sur le monde du show-biz est un vrai régal. Un vrai « blockbuster d’auteur »!

Pour écrire cet album, vous vous êtes inspiré de vaines tentatives pour adapter l’un de vos livres sur grand écran…
Hervé Bourhis.
Pas si vaines au final, puisqu’apparemment, ça va aboutir. Ça fait six ans qu’il y a un projet d’adaptation d’un de mes livres. Mais les gens du milieu que j’ai pu rencontrer sont gentils et respectueux, pas les fous furieux qu’on peut voir dans le livre ! En revanche, j’y raconte des choses entendues… ou fantasmées, sur « les professionnels de la profession ».

Vous imaginiez plonger dans une telle galère en vous lançant dans ce projet ? L’ego des gens du cinéma était vraiment insupportable?
H.B.
J’ai moi-même un ego surdimensionné, et on ne peut pas parler de galère, puisque je ne suis pas impliqué énormément dans cette adaptation. Mais disons que la temporalité du cinéma et celle de la BD sont assez différentes. Moi, en six ans, j’ai sorti dix bouquins. Il est vrai que je suis plutôt productif…

Est-ce que vous vous êtes également documenté sur ce sujet du montage d’un film?
H.B.
Je lis des livres sur le cinéma depuis toujours et je connais un chouïa le milieu de l’audiovisuel puisque j’ai jadis fait des scénarios pour des séries de dessin animé. Ça plus ma propre expérience et les histoires qu’ont pu me raconter des collègues auteurs dont les livres ont été adaptés, ça m’a suffi. Et puis ce n’est pas un documentaire, c’est une comédie, le réalisme n’a pas à être absolu.

Certains de vos personnages s’inspirent également de personnes réelles. Cela leur donne plus de consistance?
H.B.
Ça m’a aidé à les animer. Je pense que les scénaristes de cinéma ont un acteur en tête quand ils travaillent sur un personnage (même si ça ne sera pas forcément lui à la fin), j’ai fait un peu pareil. C’était déjà le cas dans « Le Teckel », et même dans « Et nos lendemains seront radieux ».

Ça part complètement en vrille dans l’acte final. Vous aviez envie d’accélérer le rythme, d’apporter davantage de folie?
H.B.
C’est une histoire en deux actes. Il faut considérer ce livre comme l’intégrale d’une histoire en deux tomes. Le premier acte est un hommage au cinéma français, un faux documentaire, et le deuxième un hommage au cinéma de genre (épouvante, suspense). Mais lors du premier acte, je mets en place les éléments qui explosent lors du deuxième (avec les animaux agressifs notamment).

Est-ce qu’écrire une histoire qui parle de cinéma vous a incité à aborder ce livre un peu différemment d’un point de vue graphique?
H.B.
Je ne suis jamais vraiment satisfait de mon dessin, mais là je voulais surtout des personnages expressifs et vivants. Des décors reconnaissables dans le premier acte. Puis une ambiance plus dark dans la deuxième. J’ai énormément retravaillé les couleurs, ça m’a pris un temps fou. Mais pour une fois, au final, ça me semble correct et correspondre à mon intention initiale.

Est-ce que cela peut être aussi compliqué de monter un projet BD ?
H.B.
Oui, évidemment, c’est parfois long et pénible aussi. La différence c’est que c’est un artisanat. Un projet BD implique une à trois personnes. Le cinéma est une industrie, un tournage implique des dizaines de gens. Voilà pourquoi c’est si long et compliqué de monter un film, il ne faut pas se rater. L’énorme différence aussi, c’est l’argent en jeu. La bande dessinée, côté auteurs, à part 1% de stars, c’est globalement un milieu de gens pauvres. Il faut s’en rendre compte.

Que répondrez-vous si on vous propose d’adapter « Animal Social Club » au cinéma ?
H.B.
Je n’ai jamais rêvé de devenir réalisateur. Je ne sais pas si je pourrais diriger une équipe, c’est très particulier. En vrai, je serais bien embêté si on me proposait ça…

Propos recueillis par Emmanuel Lafrogne
(sur Twitter)

« Animal Social Club » par Hervé Bourhis. Dargaud. 19,99 euros.

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