LE MINISTRE & LA JOCONDE
André Malraux, ministre d’Etat, accompagne la célèbre Mona Lisa en route vers les Etats-Unis où elle doit être exceptionnellement exposée. Mais la traversée s’annonce épique. Le portrait drôle d’un homme fait pour être un personnage de BD.
Quel rapport entre André Malraux et La Joconde? En 1962, celui qui est alors ministre d’État chargé de la Culture réussit à convaincre le président de la République Charles de Gaulle de prêter le célèbre tableau à la National Gallery de Washington afin de plaire à Jackie Kennedy et réchauffer des relations diplomatiques tendues entre les deux pays . Un voyage exceptionnel à bord du célèbre paquebot France que le ministre lui-même se charge de superviser.
A partir d’un fait bien réel qu’est le transfert de La Joconde, les auteurs ont imaginé une véritable farce brossant en réalité surtout le portrait d’un homme pour le moins fascinant. Résistant tardif, pilleur de trésors archéologiques, écrivain, homme politique français, il était régulièrement sous l’emprise de l’alcool et de stupéfiants, perclus de tics et de tocs (il était atteint du syndrome de Gilles de La Tourette) et dépressif mais beau parleur, mythomane et mégalomane! Un personnage exalté et quasi caricatural que son biographe Olivier Todd décrit ainsi: « Un comédien extraordinaire, presque un personnage de bande dessinée ». Bourhis (« Piscine Molitor », « Naguère les étoiles ») et Bourgeron (« Extrême-Orient », « Stalingrad Khronika ») ne se sont justement pas fait priés pour égratigner (gentiment) Malraux et faire ressortir en quelque 80 pages son potentiel comique dans une histoire à l’intrigue simple mais vivante.
L’ambiance drolatique a inspiré le dessinateur, Tanquerelle (« Le Dernier Atlas », « Groenland Vertigo ») plongeant le récit dans une ambiance à la Tintin au ton léger, aux expressions volontiers caricaturales et à la ligne claire – on s’attendrait presque à tomber nez à nez avec La Castafiore au détour d’une cabine! – et se lâchant graphiquement lors des crises d’angoisse et autres bouffées délirantes du ministre.
Dessinateur: Hervé Tanquerelle – Scénaristes: Franck Bourgeron et Hervé Bourhis – Editeur: Casterman – Prix: 20 euros.