David Chauvel : « On va s’éloigner de Game of Thrones »

Avec son trône à conquérir et les manipulations politiques de ses prétendants, ce prometteur premier tome des « 5 Terres » rappelle immanquablement « Game of Thrones ». David Chauvel s’en est d’ailleurs inspiré pour créer cette grande saga prévue sur 30 tomes.

Quand on lit le résumé puis que l’on découvre la carte des cinq terres, on pense forcément à « Game of Thrones ». C’est une influence assumée ou cela vous dérange un peu ?
David Chauvel. Les deux (sourire). C’était clairement une influence quand j’ai commencé à penser au projet, principalement pour la force des personnages et la profusion des intrigues. Il faut croire que le reste m’a rattrapé. Après, cette influence est particulièrement visible sur le premier tome. Un trône à prendre, des prétendants qui se déchirent… On ne peut pas faire plus GOTesque ! Au fur et à mesure des tomes et des cycles, on va s’éloigner de cette influence, à tel point qu’on finira, je pense et j’espère, par ne plus y penser.

Pourquoi avoir opté pour des personnages anthropomorphiques ?
D.Ch. J’avais très envie d’explorer le rapport très fort que nous entretenons, nous tous êtres humains, avec les animaux et particulièrement avec les animaux sauvages : fascination, attraction, répulsion, identification,… Le spectre tout entier des émotions passe dans notre rapport au monde animal. La seconde raison était que Jérôme Lereculey est un grand dessinateur animalier. Je voulais lui offrir un terrain de jeux à la mesure de son talent.

Comme dans « Blacksad », on constate que cela vous permet de vous appuyer sur les caractères de chaque animal puisqu’on découvre des tigres belliqueux, des lions souverains et des ours un peu plus pacifiques. Cela vous fait gagner du temps ?
D.Ch. Oui. Nous n’avons pas essayé de jouer le contre-emploi avec des tigres placides ou des lapins conquérants. Ça n’aurait ni sens ni crédibilité. Chaque groupe est conforme à l’idée qu’on se fait de sa psychologie, de son caractère… Après, il y a, à l’intérieur de chaque groupe, un spectre psychologique aussi large que celui qu’on peut trouver chez des êtres humains.

On ne trouve aucun élément fantastique dans ce premier tome. Cette absence de magie sera l’une des caractéristiques des « 5 Terres »?
D.Ch. En tant que scénariste, je ne sais pas gérer le fantastique ou la magie. La magie doit avoir des limites et des règles, sinon tout devient possible. Et quand tout est possible, alors plus rien n’a vraiment de sens. Quant au fantastique, nous en avons débattu et l’avons évacué assez rapidement. Notre monde est un monde animalier qui a sa logique et son identité propres. Il n’a pas besoin de « créatures » pour être plus riche qu’il n’est déjà.

Inventer un nouveau monde a induit un travail de géographe pour dessiner les cartes de ces cinq terres. C’est quelque chose qui était important voire excitant pour vous ?
D.Ch. C’était indispensable, mais c’est quelque chose dont je suis bien incapable. La personne qui s’en est chargé avec enthousiasme est donc la scénariste Andoryss, qui adore ce genre de choses. C’est une créatrice de mondes, capable de dessiner des plans, des cartes, de définir la faune, la flore ou la toponymie d’un monde imaginaire. C’est un de ses nombreux et indispensables apports au projet.

Vous avez justement signé ce premier tome sous le pseudo Lewelyn, puisque vous l’avez écrit avec Patrick Wong et Andoryss. Comment se déroule votre collaboration ?
D.Ch. De manière très simple : en nous engueulant (rires). Plus sérieusement, et même si c’est un peu vrai, il y a d’abord eu une première phrase durant laquelle j’ai imaginé l’intrigue principale du premier tome. J’avais ça et l’idée de ce monde animalier en tête. Ensuite, j’ai contacté Andoryss qui a développé une gigantesque bible de l’univers et donné chair et os à ces maigres idées. Lorsque Patrick nous a rejoints, nous avons commencé à travailler en décidant de tout partager en trois. Concrètement, nous nous sommes réunis pour tracer les grandes lignes du cycle et pour décider de l’intrigue précise de chaque tome. Une fois cette feuille de route établie, Patrick et Mélanie se répartissent l’écriture des scènes et font une première livraison à laquelle j’ajoute un découpage technique puis que je retouche pour assurer l’unité de l’ensemble. C’est à la fois assez compliqué et assez simple.

Ce premier cycle est annoncé en six tomes. Vous avez déjà toute l’histoire en tête ?
D.Ch. Nous avons prévu cinq cycles. Un par continent/peuple. Chaque cycle peut être lu indépendamment. Mais l’ensemble racontera une grande histoire, celle de la modification fondamentale de cet univers. Sur ce terrain balisé dans les grandes lignes, nous nous sommes bien entendu laissé des points d’interrogation, des espaces de liberté, d’inconnu. Le but du voyage est clair, mais le chemin prendra les tours et détours scénaristiques qui lui plairont…

Propos recueillis par Emmanuel Lafrogne

(sur Twitter)

« 5 terres – Tome 1. De toutes mes forces » par Lewekyn et Jérôme Lereculey. Delcourt. 15,50 euros.

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