Arthur de Pins: « Zombillénium est un endroit envoûté et magique »
Créateur du premier parc d’attraction qui fait peur, enfin en théorie, Arthur de Pins plonge dans « Zombillénium » une ribambelle de monstres dans le monde tout aussi cruel de l’entreprise. Férocement drôle et décalé.
Quelle idée avez-vous eue en premier : le parc d’attractions ou les monstres ?
Arthur de Pins. J’ai d’abord pensé aux monstres. Comme je ne suis pas trop fan de zombies, de vampires et des genres qui vont avec, j’ai décidé de télescoper cet univers dans un quotidien complètement banal, en l’occurrence, la vie de bureau.
C’est donc aussi et surtout une série qui parle de l’entreprise, avec ses relations hiérarchiques et ses plans sociaux. Pourquoi ne pas l’avoir traité au premier degré ?
A.de P. Je n’aurais jamais fait de BD sur les zombies façon série Z, ni de BD sur le monde de l’entreprise. En revanche, les uns peuvent être utilisés pour parler des autres. Ce décalage m’a tout de suite motivé : l’entreprise comme métaphore des enfers et vice-versa…
Est-ce un plaisir particulier de créer son propre parc d’attractions ? C’est d’ailleurs le thème de certains jeux vidéo…
A.de P. J’ai abandonné les jeux vidéo depuis la Megadrive et n’ai jamais joué à un jeu de ce type. En revanche, j’éprouve un plaisir qui me rappelle celui des Legos. Mais, créer un parc est beaucoup plus compliqué que je ne le pensais. D’abord, c’est un endroit clos. Ensuite, il faut tout le temps dessiner un décor. Enfin, il faut toujours avoir le plan en tête pour que les positions des personnages soient cohérentes. Donc, au final, c’est beaucoup de contraintes. Mais heureusement, c’est aussi un endroit envoûté et magique où tout peut arriver.
Il existe beaucoup de livres, de films, de jeux vidéo,… avec des monstres. Lesquels vous ont influencé graphiquement ?
A.de P. « Freaks », « Elephant Man », « Morse » (« Let the right one in ») et « Zombieland » pour le cinéma. Ce sont les seuls films de monstres qui m’ont vraiment touché, fait réfléchir ou tout simplement emballé. Dans ces films, les monstres ne sont pas là justes pour faire peur. Il y a toujours un parallèle très subtil avec les humains.
Est-ce que vous trouvez vraiment qu’aujourd’hui les zombies, vampires et loups-garous sont ringards ?
A.de P. Ils ne le sont pas dans la mesure où le genre se renouvelle sans cesse (même jusqu’à aller taper dans le glamour-paillettes). Les monstres que je mets en scène sont très classiques. Ils ont des têtes de monstres hollywoodiens des années 50, c’est-à-dire de « bonnes têtes », finalement. Dans « Zombillénium », ce qu’ils déplorent c’est plutôt la concurrence du trash et du gore tendance sadique. Le serial-killer a remplacé le vampire dans les films d’horreur. Mais les vampires, zombies et loups-garous ont encore de beaux jours devant eux. D’ailleurs, j’ai appris qu’après les vampires, la tendance de la prochaine décennie sera les zombies.
Pourquoi avoir situé « Zombillénium » dans le Nord ?
A.de P. Parce que le nord, en littérature ou au cinéma, est associé aux grands drames sociaux. L’autre raison est que l’aspect « plat » du paysage fait ressortir les grandes tours du parc et lui donne davantage l’apparence d’un mirage. Le mauvais temps joue aussi. Il aurait été impensable d’imaginer « Zombillénium » dans le Larzac…
Qui dit parc d’attractions dit multitudes de personnages et donc d’histoires possible. Avez-vous déjà une idée du futur du « Zombillénium »?
A.de P. Bien sûr ! Je suis en train de le faire en ce moment même. Dans le tome 2, les personnages au premier plan seront Francis (le vampire) et Sirius (le squelette) et il sera question des rapports entre les monstres et les humains qui habitent à côté du parc.
Propos recueillis par Emmanuel Lafrogne
« Zombillénium » par Arthur de Pins, Dupuis, 13,50 euros.
Site web officiel de l’album: www.zombillenium.com