LA SIRÈNE DES POMPIERS

Un peintre sans imagination prend pour muse une sirène et trouve le succès. Un histoire sensible, doublée d’une réflexion sur l’Art, très réussie.

Ne vous attendez pas à découvrir les combattants du feu en pleine action, gyrophares allumés et sirène hurlante, vous seriez surpris. Car dans « La sirène des pompiers », c’est plutôt d’eau et de peinture dont il est question, le jeu de mot du titre – bien trouvé – faisant en réalité référence à l’art pompier. Art officiel des salons, ce genre artistique qui avait au XIXe siècle la faveur des bourgeois fortunés, traitait de manière conventionnelle des sujets artificiels.

A l’instar de « Miss Pas Touche » et du « Legs de l’alchimiste » scénarisés par le même Hubert, ce nouvel album nous plonge donc dans le Paris artistique et mondain de la fin du XIXe siècle. Comment un peintre qui a « moins d’imagination qu’un tabouret » peut-il représenter une sirène alanguie sur un rocher d’un tel réalisme? Le critique d’art Fulmel est circonspect. A raison car il finit par découvrir que Gustave Gélinet, l’artiste en question, n’a rien imaginé: il héberge dans son atelier une authentique sirène bretonne…

On peut parler de choses intelligentes, tout en étant drôle et léger. En l’occurrence parler Art à travers une histoire d’amour peu banale. En entrant dans la vie de Gélinet, la jeune sirène qui chante comme une casserole et n’a jamais pris plaisir à noyer les marins, va la bouleverser. Avide d’émotions simples, elle aura bien du mal à supporter l’attitude de son amant pompeux, borné et définitivement sans imagination. Sous le regard neuf de cette belle femme à queue de poisson, c’est tout un microcosme artistique que l’on découvre: la mondanité, l’émergence des peintres impressionnistes, des chevalets et de la peinture en tube. C’est aussi l’occasion de s’interroger sur les modes, le rapport entre le Réel et l’Art, la finalité de l’Art… La réflexion et les dialogues ne souffrent d’aucune lourdeur et s’intègrent bien à ce récit sensible et rythmé.

Seul bémol peut être, la dernière partie de l’album sur la vie aventureuse de la sirène est un peu vite expédiée. Même si elle fonctionne comme un épilogue, on l’aurait aimé moins elliptique (qui est cette jeune femme qui accompagne notre héroïne par exemple?).

Graphiquement, on retrouve dans « La sirène des pompiers » des accents de Sfar ou de Blain. Le trait et l’expressivité des personnages rappellent ces auteurs qui ont l’habitude de signer dans la collection Poisson Pilote. Si vous aimez leur style, il y a donc de fortes chances que cet album de Zanzim vous séduise également. « La sirène » n’enchante peut-être pas les marins, nous si en tout cas.

Dargaud

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