LÀ-BAS
Adaptation d’un premier roman d’Anne Sibran, cet album raconte avec sensibilité le traumatisme d’un homme mais restitue aussi avec émotion des faits largement occultés dans les livres d’Histoire.
Là-bas, c’est l’Algérie. Un pays qu’Alain doit se résoudre à quitter au moment de la guerre d’indépendance pour rejoindre sa mère, sa soeur et sa femme enceinte déjà réfugiées à Paris. Pour Alain, comme pour tant d’autres pieds-noirs à la même époque, il lui faut alors construire une nouvelle vie, loin du soleil et de la plage de Bab-el-Oued. Mais il est bien difficile de tourner définitivement la page quand les souvenirs vous rattrapent sans cesse.
Déjà en 1994, Tronchet avait signé avec la romancière Anne Sibran « Le quartier évanoui » qui racontait la vie d’un quartier cosmopolite sur le point d’être rasé par la municipalité. « Là-bas » est l’adaptation de « Bleu Figuier », le premier roman d’Anne Sébran.
L’album parle d’un homme mais à travers Alain et sa famille, il restitue aussi avec émotion des faits largement occultés dans les livres d’Histoire: le traumatisme de ces gens qui ont connu la peur et la guerre; leurs difficultés à s’intégrer après avoir été chassés de leur terre natale; le mépris des métropolitains à leur égard, etc.
Les couleurs de Tronchet collent parfaitement au récit: les tons chauds nous emportent sous le soleil de l’Algérie, le gris et le verdâtre sous la grisaille parisienne.
« Là-bas » est un album tout en pudeur, sans effets dramatiques excessifs ni commentaires superflus. Et pourtant le destin d’Alain ne peut que nous toucher. Car Jeanne – la fille d’Alain et la narratrice de cette histoire – brosse avec tendresse le portrait d’un homme qui n’a rien d’un héros, un Monsieur tout le monde pris dans les tourmentes de l’Histoire. La naïveté de cet agent d’assurances à Alger qui s’imagine être accueilli à bras ouverts à son retour en France, sa confiance en un avenir radieux fait progressivement place à la désillusion et la mélancolie. Mais « Là-bas » est aussi une formidable histoire d’amour entre un père et sa fille. C’est grâce à Jeanne – qui ne connaît l’Algérie qu’à travers les souvenirs de son père – qu’Alain parviendra à guérir ses blessures et relever la tête.
– Dupuis