FRITZ HABER – Tome 2. Les Héros
Suite de la biographie méconnue de l’inventeur du gaz moutarde. Sérieux et très documenté.
Juif allemand et Prix Nobel de chimie en 1918, Fritz Haber fut aussi un savant nationaliste et belliciste, un sinistre acteur de la Première Guerre mondiale en tant qu’inventeur du gaz moutarde notamment. Dans le deuxième tome de sa biographie, on découvre l’ascension de Haber aux plus hautes responsabilités, de 1908 à 1914, mais aussi sa surprenante amitié avec l’antimilitariste Albert Einstein ou le sioniste Haïm Weizmann, futur président de l’Etat d’Israël.
On connaissait surtout David Vandermeulen pour le personnage de son oncle « Monsieur Léopold Ferdinand-David Vandermeulen » qu’il a imaginé, ce vieux pédagogue Vieille-France avec lequel il a écrit de nombreux ouvrages destinés à la jeunesse. Un ton décalé et plein de dérision que la gravité du sujet ici ne permettait pas.
Cette ambitieuse biographie n’est donc pas d’un abord facile: très documentée, elle se veut complète et instructive sans chercher le divertissement. Les relations entre les différents protagonistes sont clairement expliquées ainsi que la pensée des classes dominantes de l’époque. Pas question ici évidemment d’éprouver une quelconque sympathie pour ces colonialistes aux propos racistes, pour ces « Grands » qui placèrent la science au service de l’industrie et de l’armée, l’album se veut neutre, sans fioriture. A chacun de se faire son opinion sur un savant ambigu qui mourra en 1934 sans savoir que le Zyklon B qu’il avait inventé sera employé des années plus tard dans les chambres à gaz des camps nazis.
Le traitement graphique de l’album, lui, est original. Comme dans le premier opus, tout est fait pour nous donner l’impression d’assister à un film muet du début du XXe siècle: un dessin à l’aquarelle aux tons sépia, des dialogues et commentaires inscrits sans bulles au bas des cases ou dans des cadres noirs s’intercalant entre les vignettes. Le résultat est très réussi et s’admire comme un tableau.
Le tome 1 de cette biographie avait été nominé dans la catégorie Meilleur album du Festival d’Angoulême 2006. Un site web et un blog sont dédiés à la série.
– Delcourt