DE SEL ET DE SANG
Fin XIXe siècle, une rixe entre ouvriers français et italiens vire à la boucherie. Les Piémontais trouvent refuge dans la boulangerie de la veuve Roussel. Une histoire vraie glaçante.
Dans les marais salants d’Aigues-Mortes, une rixe éclate entre ouvriers français et saisonniers italiens un jour d’août 1893. Une simple bagarre qui aurait pu en rester là mais qui dégénère en un déferlement de violences inouï de tout un village contre les Italiens.
Des histoires vraies comme celle là, il en en existe bien d’autres à travers l’Hexagone comme celle de ce brave notable de Dordogne torturé à mort par une foule hystérique en 1870 car on le croit pro-Prussien (l’excellent « Mangez-le si vous voulez » de Gelli, d’après un roman de Jean Teulé). Outre la misère sociale des ouvriers des salants, le massacre d’Aigues-Mortes trouve comme celui de Dordogne ses explications dans les fantasmes xénophobes de la population et les discours nationalistes véhiculés. La perte totale d’humanité de la foule, le cynisme des patrons de la Compagnie des Salins du Midi et l’impuissance des rares individus ayant gardé raison à empêcher le massacre complètent un tableau malheureusement attendu. Au final, dix morts et une centaine de blessés mais des assassins qui seront tous acquittés lors de leur procès…
Pour narrer cette sordide tragédie aux tons d’ocre et de rouge, Fred Paronuzzi donne à la veuve Roussel, chez qui les Piémontais trouvent refuge, le rôle de narratrice. Le récit qui va crescendo est glaçant, soutenu par le trait de Vincent Djinda (« Zia Flora », « Et pourtant elles dansent »), réaliste mais aux fortes propensions caricaturales, insistant sur les corps traumatisés et surtout sur les visages déformés par lanhaine, la colère ou – a contrario – la peur. Un album forcément marquant.
Dessinateur: Vincent Djinda – Scénariste: Frédéric Paronuzzi – Editeur: Les Arènes BD – Prix: 22 euros.