Tronchet : « Le vrai foot, le foot d’en bas »

Tronchet n’est pas un footballeur de canapé. Le foot, il le vit en tapant dans le ballon avec des copains. « Footballeur du dimanche » raconte ces moments de plaisir avec beaucoup de tendresse. Tous les footballeurs du dimanche s’y reconnaitront forcément.

C’est réussi. « Footballeur du dimanche » agit comme une vraie madeleine de Proust pour tous ceux qui ont un jour tapé dans le ballon en championnat de district…
T.
Il fallait que ça évoque des souvenirs. A travers mes histoires, tout le monde doit se reconnaitre. Quand on a été sur un terrain de foot, on s’est tous retrouvé un jour méfiant de celui qui garde trop le ballon ou même énervé par celui qui part avant la fin du match. Je dois avouer que je suis un peu dictateur sur un terrain de foot. Je me suis créé quelques inimitiés. Je le reconnais et ne me montre pas toujours sous mon meilleur visage dans ce livre (sourire).

Quelle est l’idée de cette collection des petits traités dessinés ?
Tronchet.
C’est de proposer des livres de proximité et de partage. Je ne voulais pas faire de la fiction mais parler de thèmes qui peuvent rapprocher des gens. Avec le premier tome « Petit traité de vélosophie », j’ai essayé de partager toutes ces émotions et ces aventures que l’on vit quand on fait un peu de vélo.

Après ce premier tome sur le vélo écrit il y a vingt ans, vous abordez enfin le football. C’est votre plus grande passion ?
T.
C’est plus qu’une passion, c’est quasiment une névrose. J’avais déjà écrit un petit livre « Football mon amour » disponible dans la collection J’ai Lu. J’avais envie de faire la même chose mais en dessin. Le dessin permet de décaler encore plus et d’en faire un élément de comédie. Mais, le fond reste toujours sérieux. Je ne déconne pas avec le foot. Le jeu, c’est du sérieux ! Ce qui me plait, c’est de retrouver cette émotion d’enfant. Quand je joue avec les copains, je crois que je suis en finale de la Coupe du Monde. Il n’y jamais de petit match !

Est-ce difficile de dessiner le football ?
T.
Ce n’est pas difficile comme je le fais d’une manière extrêmement caricaturale. Je ne suis pas un dessinateur de corps ou de physionomie. Ce n’est pas grave si mes footballeurs sont un peu raides, on comprend ce que je raconte. Je le fais à l’instinct. Ce qui compte pour dessiner le foot, c’est de bien connaitre ce sport. On remarque vite quand un dessinateur n’a jamais joué au foot, il ne dessine pas le bon toucher de balle, la bonne frappe.

Ce livre, c’est d’abord et surtout une passion pour les matchs de foot entre copains. Avez-vous l’impression que l’on n’oublie un peu l’essence même du football aujourd’hui ?
T.
L’immense majorité des amoureux du foot sont des gens qui pratiquent ce sport. Ils le regardent peut-être à la télé mais surtout jouent au foot même à un petit niveau. Tout le monde tapote plus ou moins dans un ballon. Les règles sont tellement simples. C’est vraiment un élément de rencontre et de partage. C’est le vrai foot, le foot d’en bas.

On ressent beaucoup de tendresse dans vos petites histoires. Est-ce un album un peu nostalgique ?
T.
Bien sûr. J’atteins un âge canonique pour le football et je ne sais pas si je pourrais rejouer après cette pandémie. Le foot, c’est toute ma vie. Là, en ce moment, c’est une petit mort. Me remémorer tous ces moments vécus de mon enfance jusqu’à avant-hier, c’est une nostalgie puissante. Si je ne peux plus retourner sur le terrain, cette nostalgie va se transformer en tristesse infinie.

C’est aussi un album qui montre que le football incarne les valeurs républicaines, abolit les privilèges de classe et peut faire oublier le racisme. Vous vouliez défendre ce sport ?
T.
Oui. J’évolue dans un milieu un peu intellectuel qui a tendance, de moins en moins d’ailleurs, à mépriser le foot. Je voulais lui redonner ses lettres de noblesse. C’est un peu prétentieux de dire cela mais l’essence même du foot, c’est l’égalité des chances sur un terrain. Le joueur le plus riche n’est pas le meilleur. Ceux issus de la rue ou qui ont grandi en Afrique sont bien meilleurs que nous. J’aime bien ce renversement de valeur. C’est un outil d’intégration formidable. Quand on est sur un terrain, on s’en fout de la race. Le ballon abolit toutes les différences.

Propos recueillis par Emmanuel Lafrogne
(sur Twitter)

« Footballeur du dimanche » par Tronchet. Delcourt. 12,50 euros.

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