Serge Le Tendre: « Casser le moule SF traditionnel »
Toujours très proche de ses personnages, Serge Le Tendre a créé une passionnante nouvelle série de science-fiction avec « Terence Trolley ». Ce diptyque sur les manipulations génétiques fusionne parfaitement une intrigue bien ficelée et de percutantes scènes d’action.
Le début de « Terence Trolley » avec ce professeur Arthaud qui cherche à réunir des enfants dotés de pouvoirs fait évidemment penser aux X-Men. Cela a été une influence ?
Serge Le Tendre. Non, pas du tout, ou alors de façon subliminale. J’avoue que j’ai été, il y a fort, fort longtemps, un lecteur acharné de comics mais j’ai décroché. Bien sûr, j’ai visionné les films tirés de cet univers mais plus comme objets de curiosité que comme source d’inspiration.
Vous vous démarquez ensuite du récit de super-héros en focalisant votre récit sur ses personnages. C’est quelque chose d’important pour vous ?
S.L.T. Oui, c’est ce que j’essaie de faire dans chacun de mes scénarios. Maître Yuri-Tanipoché disait : « On ne sculpte pas sur le vent ». J’en ai donc déduit que, quelle que soit l’histoire, épique ou confidentielle, c’est l’humain qui doit nous toucher… avec ou sans Kryptonite.
Vous avez débuté l’écriture ce diptyque en créant d’abord les personnages ?
S.L.T. Pour moi, l’idée prime, viennent ensuite les personnages. A l’état d’embryons au début, ils s’animent peu à peu au fil de l’écriture, quitte à faire des croche-pieds à l’auteur et c’est là où ça devient délicieux. Ils l’obligent à rebondir sur ses erreurs, à les engueuler parfois, à les nourrir d’imbroglios souvent mais sans jamais oublier le défi initial : leur fin.
Quand vous construisez votre scénario, est-ce important de bien répartir les scènes d’action ou les retournements de situation ?
S.L.T. Absolument, c’est une question de rythme, de tempo. Trop d’action tue l’action mais l’inverse aussi. Etre trop contemplatif ou trop bavard, c’est le risque assuré de perdre le lecteur. Pour contrecarrer cela, il y a des règles (voir les nombreux ouvrages écrits sur la dramaturgie), mais souvent, dans mon cas, c’est l’instinct qui joue la partition.
Contrairement à la majorité des récits d’anticipation qui se déroulent dans des mégapoles, votre histoire se déroule en grande partie dans la campagne. Est-ce pour se démarquer ?
S.L.T. En partie, oui. Je trouvais plus intéressant de casser le moule SF traditionnel, d’être à un niveau moins high-tech, mais tout en conservant en toile de fond les poncifs du genre.
Cette série aborde plusieurs thèmes dont celui des manipulations génétiques. C’est quelque chose qui vous inquiète ?
S.L.T. Franchement, comment ne pas être inquiet ? Pour ma part, comme j’ai atteint un âge respectable, je ne crains plus grand chose, question manipulation génétique. Ce sujet reste cependant plus que jamais d‘actualité même si un certain Philip K. Dick, auteur de génie, précurseur et inspirant, avait en son temps déjà anticipé cet avenir.
Est-ce que vous utilisez la science-fiction pour justement alerter le lecteur sur les dérives possibles ?
S.L.T. Pas spécialement ! Je suis comme une éponge, j’absorbe, filtre et rejette quand on me presse. Quant aux lecteurs de science-fiction, ils sont, à mon avis, assez adultes et/ou informés pour ne pas se laisser piéger facilement.
Avec son trait anguleux, le dessinateur Patrick Boutin Gagné donne beaucoup de dynamisme à l’histoire…
S.L.T.Une rencontre avec un dessinateur est toujours une aventure et je suis particulièrement heureux de notre collaboration. Son dessin et sa narration ont changé mes habitudes et surtout enrichi l’histoire de Terence Trolley. Je ne peux rien demander de mieux… sinon une suite !
Propos recueillis par Emmanuel Lafrogne
(sur Twitter)
« Terence Trolley – Tome 2. Le Dernier chaînon » par Serge Le Tendre et Patrick Boutin-Gagné. Drakoo. 14,50 euros.