Olivier Tallec: « Un bon dessin, c’est l’immédiateté »
Illustrateur pour la presse et auteur d’albums jeunesse, Olivier Tallec excelle également dans le dessin humoristique. Le coffret regroupant ses livres « Bonne journée » et « Bonne continuation » est d’ailleurs un cadeau idéal pour ce Noël 2017 !
Pourquoi vous êtes-vous plutôt orienté vers le dessin de presse, d’illustration ou humoristique plutôt que vers la bande dessinée ?
Olivier Tallec. J’ai eu quelques expériences plus ou moins réussies en bande dessinée, mais je me sens plus à l’aise dans les narrations courtes. J’ai toujours adoré les dessins du New Yorker par exemple ou les strips. C’est aussi peut-être parce qu’initialement je viens de l’illustration, et cela faisait des années que je voulais essayer. J’adore cet exercice. Il y a une vraie satisfaction à trouver un bon dessin.
On pense évidemment à l’incontournable Sempé, mais est-ce que d’autres auteurs vous ont donné envie d’explorer cette voie ?
O. T. Oui, il y a bien sûr Voutch, Mix et Remix ou Sempé (qui ne sont, par ailleurs, pas du tout dans le même registre). Il y a des dizaines d’auteurs dont j’aime le travail, je peux encore citer Glen Baxter, Gary Larson ou Tom Gauld. Je trouve qu’on peut vraiment parler d’un humour anglo-saxon. Qu’on retrouve également dans le cinéma: l’humour des Monty Python était génial !
Comment naissent vos idées ? Est-ce qu’elles vous viennent spontanément dans la vie quotidienne ou est-ce que vous vous installez à une table pour en trouver ?
O. T. C’est rarement dans la vie quotidienne. Il faut vraiment que je me pose à ma table de travail et que je cherche. Je remplis des carnets d’idées, dont 80% sont à jeter. J’essaie de faire attention à ne pas tomber dans la blague facile. Ensuite je laisse reposer. Si par la suite ça me fait encore sourire, je garde l’idée et j’affine la légende voire le dessin. Parfois, j’ai l’impression de trouver une idée et je me rends compte après quelques jours que c’est totalement incompréhensible ou complètement nul.
Est-ce que vous travaillez beaucoup vos idées pour avoir le bon rapport entre le texte et le dessin ou est-ce que cela vient assez naturellement ?
O. T. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, c’est énormément de travail. Le plus difficile est de trouver une bonne idée et le bon rapport texte-image. C’est vraiment un travail d’horlogerie. Le choix d’un mot, d’une virgule… Il s’agit souvent de dialogues, il faut donc réfléchir en langage oral. Je passe généralement deux ans pour un livre d’une quarantaine de dessins. Certains sont forcément meilleurs que d’autres et on le sait immédiatement en les faisant. Parfois, je peux trouver trois dessins en deux jours, parfois je sèche pendant des semaines, voire des mois.
Vous mettez souvent en scène des animaux…
O. T. Parce qu’il y a déjà un caractère comique à faire parler un animal. On s’est tous surpris à faire de l’anthropomorphisme avec un animal domestique. Ensuite c’est un champ extrêmement large et qui ouvre des possibilités assez importantes. Et pour terminer, je viens de la littérature jeunesse et il y a donc certaines choses que je ne peux pas dire dans mes livres pour enfants, où les animaux ont une place déterminante.
Est-ce qu’un bon dessin doit se comprendre immédiatement ou au contraire demander quelques secondes de réflexion pour le comprendre ?
O. T. Un bon dessin, c’est l’immédiateté. C’est comme une blague. S’il faut expliquer un dessin, ça ne marche pas, c’est raté. Il y a depuis les attentats de Charlie des émissions de télévision avec des dessinateurs qui non seulement doivent trouver une idée en direct et ensuite doivent l’expliquer au téléspectateur. Forcément, ça ne peut pas marcher. C’est totalement contraire au dessin et cela nie le travail qu’est un bon dessin. Il y a bien entendu des bons dessins qui viennent naturellement, mais c’est rare. Un bon dessin ne doit pas demander d’explication. C’est comme si on vous demande d’expliquer une blague que vous avez faite et que votre interlocuteur n’a pas compris : c’est un grand moment de solitude !
Un dessin doit donc forcément demander beaucoup de travail ?
O. T. C’est vrai que j’ai des contradictions (sourire). Je suis partagé entre le « beau dessin », et le dessin simple, au trait, avec une économie de moyen, qui pourrait suffire et serait sans doute encore plus immédiat.
Propos recueillis par Emmanuel Lafrogne
(sur Twitter)
« Plaisir d’offrir, joie de recevoir » (coffret compilation) par Olivier Tallec. Rue de Sèvres. 28 euros.