Matthieu Donck: « Une histoire ordinaire dans un contexte extraordinaire »
Un cuisinier spécialisé dans la croquette à la crevette se retrouve embarqué par erreur sur un vaisseau spatial rempli de Chinois. Avec « Shrimp », le scénariste Matthieu Donck ose un scénario complètement décalé pour une aventure délirante qui fait également la part belle à ses personnages. Drôle et rafraîchissant.
Comment est né ce personnage d’Albert, cuisinier spécialisé dans la croquette aux crevettes grises ? Vous aviez envie de vous éloigner des standards habituels de la BD ?
Matthieu Donck. Quelques mois avant de commencer à écrire la bande dessinée, avec mon co-scénariste Benjamin d’Aoust, nous avons été invités à un mariage d’amis communs. Les mariés avaient engagé le grand spécialiste bruxellois de la croquette aux crevettes pour remplir le ventre des fêtards affamés. Les croquettes étaient délicieuses et le cuisinier s’est avéré être assez haut en couleur. Sa bonhommie au milieu des convives en costume nous amusait. Philippe a terminé sa nuit nu sur une barque au milieu d’un étang. Alors, quand il a fallu décrire Albert, notre personnage principal perdu dans un autre monde, on a directement pensé à lui. Pour la sortie des deux tomes à Bruxelles, Philippe était d’ailleurs présent avec ses croquettes.
Par un effet domino, un geste presque anodin comme décacheter une enveloppe va bouleverser la vie de ce cuistot sans histoire. Vous aimez les situations qui partent ainsi en vrille ?
M.D. À la base, il y a l’envie de raconter une histoire ordinaire dans un contexte complètement extraordinaire. Ce qui nous intéresse le plus au fond, ce sont les relations humaines.
Et ce qui nous amuse franchement, c’est de les secouer un bon coup ! On voulait aussi multiplier les points de vue. Et puis, venant du cinéma, la BD permet en quelques coups de crayon de mettre en place des choses impayables au cinéma, alors on en profite !
Dans le premier tome de « Shrimp », le scénario avance tranquillement puis bascule sans prévenir vers la science-fiction. Est-ce que vous avez cherché à surprendre le lecteur ?
M.D.
L’idée n’est pas vraiment de faire un coup. Par contre, on avait vraiment envie d’embarquer le lecteur avec nous dans cette aventure délirante. Que ce soit avec Benjamin, ou avec Mathieu Burniat qui dessine, on essaie constamment de se surprendre les uns les autres. C’est la vraie dynamique de « Shrimp » !
Pourquoi des Chinois ?
M.D.
Le ressort comique pourrait très bien fonctionner avec les Américains et les Russes ! Ce qui est drôle, ce sont les clichés… Et à travers Albert, on rigole aussi des Belges, de nous-mêmes. On avait envie de parler des Chinois parce qu’on est tous les trois passionnés de voyage en général et de l’Asie en particulier. Mathieu Burniat, le dessinateur, a travaillé en Chine comme designer industriel. Il a ramené des carnets de croquis très inspirants !
L’humour de « Shrimp » mise d’abord sur l’absurde. Quelles sont vos références dans ce domaine ?
M.D.
C’est surtout la vie qui nous inspire, le quotidien. Souvent, il n’y a pas plus surréaliste que la réalité.
Quand on est Belge et que l’on parle de son pays, est-ce que comme votre héros Albert, on évoque forcément Tintin ? Son influence n’est toutefois pas très perceptible dans « Shrimp » ?
M.D.
Tintin est un monument de la BD. Mais ce n’est pas une influence directe. Par contre Albert porte le prénom de notre Roi !
Vous êtes d’abord un réalisateur de cinéma dont le premier long métrage « Torpedo » avec François Damiens est sorti en début d’année. En quoi cela a influé sur cette BD ?
M.D.
La façon d’écrire et d’aborder l’histoire probablement. On ne connaissait pas grand-chose à l’écriture BD, bien que grands amateurs évidemment. Nous avons scénarisé « Shrimp » comme s’il s’agissait d’un long métrage. Cinéma, BD, c’est un peu la même famille. En tous cas notre Albert dans « Shrimp » est définitivement un cousin du Michel Ressac qu’interprète François Damiens dans « Torpedo » ! Il pourrait aller boire une bière ensemble, ou manger une croquette aux crevettes !
Propos recueillis par Emmanuel Lafrogne
(sur Twitter)
« Shrimp » (tome 2. « La couleur de l’éternité ») de Burniat, Donck et d’Aoust. Dargaud. 11,99 euros.
– Notre chronique du tome 1