Marie Jaffredo:  » Le Mont devait être l’élément central »

Architecte de formation, Marie Jaffredo n’a pas hésité une seconde quand Glénat lui a proposé de réaliser un album sur le Mont-Saint-Michel. Avec le scénariste Jean-Blaise Djian, elle a construit un huis-clos mystérieux digne des meilleurs polars d’Agatha Christie.

mont-saint-michel1.jpgEst-ce un album de commande ou une envie de dessiner le Mont-Saint-Michel ?
Marie Jaffredo. Un peu des deux ! Après la sortie des « Damnés de Paris» avec Michael Le Galli au scénario, les Monuments nationaux, par l’intermédiaire de Glénat, m’ont demandé si je serai intéressée par un projet de BD se déroulant sur le Mont. Pour quelqu’un comme moi, qui aime les vieilles pierres, la tentation était grande. D’autant qu’ils m’ont donné carte blanche. De plus, mon père étant breton et ma mère normande, le Mont était une évidence ! J’ai donc dit oui !

C’est vous qui avez choisi le scénariste ?
M. J. Au départ, je devais écrire le scénario moi-même. Je l’avais déjà fait pour « Et si… » par exemple, et j’avais envie de réitérer l’expérience. Mais les Monuments nationaux souhaitaient que l’album sorte pour la saison touristique. Le temps allait me manquer… Après un début d’écriture, j’ai donc fait appel à Jean-Blaise que je connaissais déjà bien, ayant fait partie du même fanzine lorsque j’habitais Caen. Cela faisait longtemps que nous avions envie de travailler ensemble. Nous avions d’ailleurs déjà monté un projet d’album qui n’a jamais vu le jour. L’occasion était trop belle.

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Son huis clos dans le style d’Agatha Christie vous a tout de suite plus ?
M. J. Oui, parce que j’adore Agatha Christie ! Adolescente je dévorais ses romans ! Et le lieu, à la fois mystérieux et inquiétant, se prêtait très bien à ce genre de récit, et à un huis clos en particulier.

Quand on travaille pour le centre des Monuments nationaux, est-ce qu’il y a des contraintes particulières ?
M. J. Pas vraiment… Si ce n’est de faire un album plutôt tout public. Et il était évident que le Mont devait être l’élément central du récit, même si cela n’a pas été demandé explicitement.



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Vous vous êtes rendu sur place plusieurs fois ? Comment se sont passées vos visites avec le guide ?
M. J. Nous avons eu la chance de faire les visites avec François Saint-James, guide conférencier du Mont. Il a une connaissance infinie du site et sait où aller chercher l’information si celle-ci lui manque. En particulier, nous avions pris une direction au niveau du scénario (direction que nous avons abandonnée par la suite) or il s’est avéré qu’un élément architectural nous manquait. Il a alors cherché avec nous la réponse afin d’être le plus précis possible. Cette vérité historique et architecturale nous tenait à cœur.

Son énorme trousseau de clefs nous a également permis d’aller partout où le visiteur lambda ne va pas ! Dans l’histoire il y a donc des parties du Mont que vous ne pourrez jamais voir lors de votre visite car inaccessibles habituellement. Spécialement dans l’Abbaye.

Vous aviez déjà des idées de cadrage et de lieux en tête ou ce sont vos visites qui vous ont fait découvrir certains lieux cachés du Mont-Saint-Michel ?
M. J. Un peu des deux également puisque certains lieux m’étaient inconnus. Mais les cadrages que je propose sont venus tout seuls avec le récit. Par les plongées et contre-plongées assez fréquentes, j’ai tenté de mettre en évidence la verticalité du Mont. J’ai également essayé d’avoir le plus de points de vue différents (vues larges/détails architecturaux) du site.

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Vous avez ensuite travaillé à partir de vos photos ?
M. J. À la dernière visite, j’ai essayé de prendre tout le storyboard en photo. Pour le reste je me suis aidée de photos et cartes postales anciennes, de vieux livres, de guides, de romans, d’ouvrages des Monuments nationaux, de leur banque de données d’images,…

Faire revivre le Mont-Saint-Michel d’avant l’invasion des touristes était excitant ?
M. J. C’était le point de départ ! Je voulais également éviter la période où se situent la plupart des récits liés au monument, à savoir le Moyen-âge. La lecture du roman de Roger Vercel « Sous le pied de l’Archange » (1937) m’a ensuite donné l’envie de faire se passer l’histoire dans les années 30. Le Mont-Saint-Michel ressemblait alors encore à un village avec son école, son maire, son curé, ses pêcheurs,… et le tourisme ne sévissait que de Pâques à la Saint-Michel (à savoir fin septembre). De plus, en ces années, le village et l’Abbaye vivaient une campagne de restauration et de mise en valeur. De nombreuses photos de cette période existent également. C’est pourquoi le récit commence en octobre 1936.

Propos recueillis par Emmanuel Lafrogne

(sur Twitter)

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« Meurtre au Mont-Saint-Michel » de Marie Jaffredo et Jean-Blaise Djian. Glénat, éditions du Patrimoine. 13,90 euros.

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