Louis: « L’ascension d’un personnage dérangeant »

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Rares sont les séries à s’intéresser à un personnage aussi cruel que ce Khaal, qui règne avec beaucoup de cruauté sur un pénitencier qui erre dans l’espace. Son scénariste, Louis, explique les raisons de ce choix et parle de la création de cet univers de pure science-fiction.

Quelles ont été vos influences pour écrire « Khaal »?
Louis. Alors, je n’ai pas eu d’influence à proprement parler, mais plutôt l’envie de raconter l’histoire d’un vrai méchant, dans le cadre d’un space opera, et sans un seul tir de laser. Le travail de Valentin, et le fait que Khaal se rase, évoque les métabarons, mais sans plus. Par contre, l’envie de faire un vrai méchant fait suite à « Riddick », qui était une belle promesse, mais non tenue à l’arrivée. khaal1.jpgJ’adore la série, mais « Riddick » est un héros, et pas le bad guy qui l’était censé être. Je voulais aller au bout de l’idée du pourri comme personnage central.



Comment s’est déroulée la construction de cet univers où cohabitent des humains, des éthérés qui traversent les murs et des psycogs télépathes ?
L. Il y a beaucoup de mes thèmes récurrents dans « Khaal ». Le premier étant l’univers clos, qui définit des règles. Univers lui-même à l’intérieur d’un autre. J’aime cette idée que les règles, les fonctionnements, les codes sont définis par les limites territoriales, qui définissent pas mal de choses. Comme les villes, au sein de régions, elles-mêmes au sein de pays, de continents,… À chaque fois, ça définit une culture, un système. Ici, c’est une prison immense, autonome, dont on ne peut s’échapper. Ca créer un univers clos. Ensuite, il faut faire cohabiter tout cela, et imaginer des choses pour que cela fonctionne. D’où les machines de cultures qui ne peuvent fonctionner qu’avec les trois races,… C’est passionnant de créer un univers, et d’essayer de faire en sorte qu’il soit suffisamment crédible pour qu’à l’arrivée, on ne s’y attarde pas. C’est le paradoxe de l’écriture. Si le job est bien fait, et c’est valable au dessin, le lecteur passera sans se poser de questions. Donc, plus on y passe de temps, moins vous y passez de temps (sourire)… 



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Dans un album de science-fiction, est-ce que la construction de l’univers prend autant de temps que les personnages et/ou l’intrigue ?
L.
Oui. Comme je le dis ci-dessus, si l’univers n’est pas crédible, bien qu’irréel, les personnages ne seront pas naturels dedans. Ça sonnera faux. Le décor, le contexte, est aussi important que les personnages parce que c’est un personnage à part entière.

Est-ce que les planches de Valentin Sécher retranscrivent fidèlement l’univers que vous avez imaginé ou a-t-il influé sur le graphisme ?
L.
Je n’ai pas influencé Valentin en quoi que soit. Je connaissais son travail, puisque j’étais son président de jury à son école. Je ne voyais pas pourquoi je l’enverrais dans une autre direction. On s’était calé au départ sur les influences qu’on avait, et le rendu que l’on voulait. Il a respecté la mise en scène fournie par mes story-boards, tout en ayant une marge de manœuvre. Après, j’étais comme au spectacle en voyant arriver les planches.

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Est-ce difficile de centrer son histoire sur un être sanguinaire et sans aucune compassion ? Comment éviter le rejet total de la part du lecteur ?
L.
Je n’ai pas cherché à éviter le rejet, parce que c’est ce qu’est Khaal. J’ai voulu montrer un être avide de pouvoir, prêt à tout, et je ne pouvais pas penser en termes de perception du public. Une partie des gens éprouvent une forme d’empathie pour lui, d’autres du rejet. Chacun se positionne par rapport à cela. Du coup, des lecteurs suivent Khaal, d’autres l’accompagnent. C’est intéressant. Moi, je voulais juste raconter l’ascension d’un personnage dérangeant. C’est ce qui était intéressant pour moi. Et quand on parle d’un tyran, susciter le rejet n’est pas dramatique, mais plutôt, limite, une réussite. Le vrai challenge ici était là justement. Aller au bout de l’idée. Avoir un personnage sans circonstances atténuantes, mais suffisamment charismatique pour qu’on ait envie de connaitre son histoire.

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Il y a beaucoup d’idées dans ces deux tomes, par exemple que les trois races sont indispensables pour faire fonctionner les machines agricoles, qui mériteraient d’être développées. On imagine aussi très bien une intrigue plus politique dans la lignée de Dune. Ce n’est pas frustrant ?
L.
Ce n’est pas frustrant vu que l’histoire a été prévue comme cela. Courte. L’idée était centrée sur Khaal, pas l’univers. Ce dernier devait être fonctionnel, mais il n’était que le berceau de l’évolution du personnage. Les bases sont là pour que l’ensemble soit développé, ou pas. Mais je n’ai pas de frustration du tout. Ce diptyque se suffit à lui même. J’aurai plaisir à revenir dans cet univers, mais cela ne dépend pas de moi, mais des lecteurs.



Doit-on chercher un écho dans notre monde contemporain à cet univers barbare et pessimiste ?
L.
La réponse est présente dans le tome 2, et elle est sans appel… 😉

Propos recueillis par Emmanuel Lafrogne

(sur Twitter)

« Khaal, chroniques d’un empereur galactique » (tome 2. « Livre Second ») par Louis et Sécher. Soleil. 13,95 euros.

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