LF Bollée: «Une vraie vision originale de Belmondo»
Tel un metteur en scène, Laurent-Frédéric Bollée livre sa vision de Jean-Paul Belmondo à travers de nombreuses anecdotes mais aussi la rencontre fictionnelle entre un père et son fils. « Belmondo, peut-être que je rêve debout… » aborde les débuts difficiles de la future star, sa passion pour la boxe et évidemment ses films les plus iconiques. Un biopic original et véritablement passionnant.
Pourquoi Belmondo?
LF Bollée. Pour plusieurs raisons ! Parce que c’est grand monsieur et un immense acteur, parce qu’il nous a quitté il y a trois ans déjà, parce que j’aime beaucoup la collection 9 ½ chez Glénat sur des grandes figures du cinéma, parce que j’y avais déjà fait « Patrick Dewaere » et que le livre avait été formidablement accueilli, parce que j’avais bien envie d’en faire un autre, parce que Jean-Michel Ponzio est arrivé en « déclencheur » du projet avec de superbes essais et que je n’avais pas encore travaillé avec lui, parce que je connais un peu Paul Belmondo et que je me sens honoré de mettre en scène son père…
Grâce à une idée astucieuse, vous évitez la biographie chronologique. C’était important?
LF.B. Oh que oui, c’était important ! Il y a quelques mois, sur un post Facebook (je ne sais plus à quel propos à la base), un grand auteur de BD s’exprimait et tirait à boulets rouges sur le principe des biopics. J’avoue que je n’ai pas cette réserve quasi idéologique, et qu’au contraire, j’estime que de la contrainte peut découler un exercice de style et surtout des idées assez excitantes. C’est ce que j’avais démontré dans le « Patrick Dewaere », je crois, donc là, c’était pareil : j’allais proposer « mon » Belmondo, avec forcément des choses inattendues et un peu surprenantes, certainement pas linéaires, une vraie vision originale, en recréant en l’occurrence une séance de pose entre Jean-Paul et son père Paul, le sculpteur – qui n’a jamais existé.
Ensuite, assez vite on s’est mis d’accord sur cinq chapitres de 40 pages environ, et j’ai essayé de trouver à l’intérieur des fils narratifs qui se répondaient pour que la lecture soit la plus fluide possible. Il n’y a guère qu’un chapitre qui n’était pas prévu à ce point, c’est celui consacré à Jean-Luc Godard. Mais comme il est lui-même décédé durant l’écriture de notre roman graphique, c’est assez naturellement qu’on s’est dit qu’il fallait lui consacrer un chapitre entier.
Grâce à sa technique d’acting, avec des visages dessinés à partie de photographies, Jean-Michel Ponzio vous offre des planches souvent saisissantes de réalisme…
LF.B. Disons déjà que c’était lui et personne d’autre, car comme je vous le disais, les essais qu’il avait faits pour nous convaincre étaient fabuleux et ont emporté l’adhésion de tous ! A priori, je n’ai pourtant pas de credo définitif : Maran Hrachyan a prouvé sur « Patrick Dewaere » qu’on pouvait aussi faire une BD avec un dessin très poétique et pas si réaliste que ça. Là, c’est autre chose évidemment, mais ça fonctionne aussi excellemment. Je pense qu’on aura l’impression, en lisant la BD, de voir en effet comme un film, où Bébel côtoie bien Gabin, Delon, Melville, Godard, Pierre Brasseur ou Jean Seberg !
Votre livre regorge d’anecdotes sur les réalisateurs, les acteurs ou les tournages de film. C’est le fruit d’un gros travail de documentation? Est-ce que vous avez été obligé d’écarter beaucoup d’autres anecdotes pour ne pas dépasser la pagination du livre?
LF.B. Je me suis évidemment beaucoup documenté, il y a pas mal de livres sur Belmondo, et aussi des documentaires télé qui nous ont été bien précieux. Mais bien sûr qu’il a fallu faire un choix et bien sûr qu’on en avait encore sous le pied. Mais c’est comme ça et cela rejoint d’ailleurs une des philosophies de la collection : on ne va pas évoquer tous les films, il faut les choisir en fonction de ce qu’on va raconter et de ce qu’ils apportent au récit ! Ce qui fait qu’on assume aussi un choix « cinéphilique ».
Vous parlez assez peu de sa vie intime, notamment de ses relations avec les femmes. Dans ce type de biographie, c’est vraiment l’acteur le plus intéressant?
LF.B. Je pense, oui, car les rôles de l’acteur permettent de varier les visages, les postures, les décors. Passer d’« A bout de Souffle » à « Léon Morin prêtre », du « Singe en Hiver » au « Magnifique », c’est formidable ! Il y a sans doute une prime à ce qui se passe devant la caméra dans le « Belmondo », alors que c’était peut-être l’inverse dans le « Patrick Dewaere », je ne sais pas… Quant aux femmes, à partir du moment où on avait décidé de s’arrêter globalement aux années 80, il n’y en avait que quatre « principales » dans sa vie : Renée Constant, sa première femme, Ursula Andress, Laura Antonelli et Carlos Sotto Mayor. Nous évoquons largement la première, et un peu la deuxième… mais en mode mineur car je ne crois pas, de toute façon, que c’était là le plus important. En revanche, de par le scénario, est surtout privilégiée la relation entre Jean-Paul et son père.
Dans les dernières pages, vous allez jusqu’à mettre en scène ses projets. Un peu comme un réalisateur ? Il y a beaucoup de points communs entre un scénariste et un réalisateur?
LF.B. Eh bien oui, je crois, en tout cas j’aime à me le dire. D’ailleurs, je l’ai souvent dit à propos de « La Bombe », je me sens souvent moins « scénariste » que « metteur en scène » dans mes romans graphiques, notamment à base historique. Car la matière y existe quand même déjà, et qu’il faut avant tout s’ingénier à bien la représenter.
Après Patrick Dewaere et Jean-Paul Belmondo, on rêve de lire votre biographie d’Alain Delon. Vous y pensez?
LF.B. L’actualité nous offre un saisissant raccourci, car je précise, pour ceux qui ne s’en doutaient pas, que Delon figure bien dans notre « Belmondo » ! Évidemment qu’on raconte leur rencontre, leur premier film ensemble, leur fâcherie à propos de « Borsalino ». Leurs trajectoires se sont bien croisées et on pourrait même dire que l’un n’allait pas complètement sans l’autre à une époque. Comme Delon a eu un parcours digne d’un roman (ou d’un film !), c’est sûr que je ne serais pas dépaysé s’il fallait se pencher à nouveau sur ce projet… (sourire).
Propos recueillis par Emmanuel Lafrogne
(sur Twitter)
«Belmondo, peut-être que je rêve debout…» par LF Bollée et Jean-Michel Ponzio. Glénat. 28 euros.