Julien Dumond : « Une histoire éminemment graphique »

Journaliste pour « Sept à huit », Julien Dumond a enquêté sur le spectaculaire vol de bijoux de Kim Kardashian. Avec François Vignolles, son co-scénariste, il revient sur cette incroyable histoire de papys braqueurs chez une vedette de télé-réalité et raconte surtout avec beaucoup de précision l’enquête de la Brigade de Répression du Banditisme. Captivant !

Qu’est-ce qui vous a intéressé dans ce braquage ?
Julien Dumond. Son aspect spectaculaire et totalement improbable d’une part : le plus important vol contre un particulier depuis des années (9 millions d’euros) commis sur une héroïne du vide par des braqueurs sur le retour venus à vélo… Et ce qu’il met en lumière de notre société d’autre part : les écrans de portable collés au nez, la rapidité, l’exhibition virtuelle qui a des conséquences dans le monde réel.

Est-ce uniquement en raison de la personnalité de Kim Kardashian ?
J.D. Pas du tout, même si elle est un sujet de questionnement dans notre bande dessinée, pour ce qu’elle représente, l’image qu’elle renvoie et sur laquelle elle capitalise. Mais ce n’est absolument pas l’héroïne de la BD : ni notre star, ni un objet de moquerie puisqu’elle a été victime d’une agression traumatisante.

Avez-vous couvert l’enquête pour « Sept à huit »?
J.D. Oui, j’avais réalisé un reportage sur l’affaire au moment où le 36 quai des Orfèvres a interpellé la bande de suspects. François Vignolle, ami et co-scénariste, avait également suivi l’affaire pour son média de l’époque, M6. Et nous avions tous les deux perçu à quel point cette affaire déchaînait les passions, pouvait aussi être source de réflexion, qu’on connaisse ou pas Kim Kardashian avant les faits!

Dans votre livre, on découvre des journalistes « fatigués » de devoir traiter cette affaire. Cela n’a pas été votre cas ?
J.D. Non parce que pour « Sept à huit », j’ai eu la chance de ne pas avoir un direct à faire toutes les 30 minutes, mais nous avons réalisé un sujet long et avons eu 6 jours pour ça! Mais tout le monde s’est évidemment interrogé sur les proportions prises par l’affaire. Le monde politique, lui-même, s’emparant du fait divers pour commenter la sécurité de la capitale en plein état d’urgence post-attentats. Et des médias du monde entier, américains, britanniques et même péruviens, ont contacté les journalistes qui sortaient des infos. Un truc assez fou…

Vous couvrez des enquêtes depuis dix-huit ans. Pourquoi une bande dessinée aujourd’hui ?
J.D. Parce que tout dans cette histoire est éminemment graphique et pas seulement Kim Kardashian. C’est une des dernières grandes enquêtes du mythique 36 quai des Orfèvres avant son déménagement près de la porte de Clichy. L’histoire se passe dans une capitale partagée entre Fashion week et état d’urgence. Les braqueurs ont, en plus de surnoms improbables, des « gueules ». Tout est graphique et couleurs. Le gris des braqueurs, le rose de Kim Kardashian, le bleu de Twitter: au final un arc-en-ciel explosif!

Suivre l’enquête de la Brigade de Répression du Banditisme m’a fait penser à la série télévisée « Engrenages ». Aviez-vous des modèles pour raconter votre histoire ?
J.D. « Engrenages », « The Wire »… Avec François, on est passé pour les co-scénaristes journalistes avant tout, un peu trop sérieux et précis peut-être quant à la véracité des faits rapportés. Nous sommes débutants en bande dessinée ! Mais, tout en restant au plus près de la réalité, Grégory Mardon s’est emparé du scénario de façon assez formidable et a su lui donner un côté poétique tout en prenant le recul nécessaire pour traiter l’affaire.

On est presque surpris de voir la police retrouver aussi facilement les braqueurs. Il y a une part d’amateurisme chez ces papys braqueurs, non ?
J.D. Oui, on va dire que ce n’est pas Filochard, Ribouldingue et Croquignol, mais « le vieux », « le gros » et « nez râpé »! Mais ça ne veut pas dire que la traque a été facile. C’est une chose de trouver un ADN sur les lieux du braquage, que cette trace corresponde à un profil enregistré aux fichiers. Encore fallait-il retrouver le fugitif, identifier toute la bande, interpeller sans heurts, obtenir quelques aveux… Restent les bijoux, qui eux n’ont jamais été retrouvés. Malheureusement pour Kim et surtout ses assurances, j’imagine!

On a l’impression que vous gardez toujours un peu de tendresse pour ces braqueurs ?
J.D. Tendresse n’est peut-être pas le mot. Ils ont commis un acte violent, mais on voulait en tout cas faire ressortir leur part d’humanité. Le monde n’est pas noir ou blanc. Il est souvent gris.

Propos recueillis par Emmanuel Lafrogne

(sur Twitter)

« Les bijoux de la Kardashian » par Julien Dumond et François Vignolles. Glénat. 15 euros.

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