Jorge Bernstein: « Frapper vite et fort »

Pour faire rire en seulement trois cases, Jorges Bernstein n’hésite pas à écrire des gags franchement débiles. C’est lui qui le dit ! Son « Fastefoode » est en tout cas tellement déjanté qu’il nous donne une irrésistible envie d’y retourner au plus vite !

ecran-2015-09-07-a_-08.56.25.jpgOn imagine que vous avez eu cette géniale idée en mangeant un hamburger dans un fastfood…
Jorge Bernstein. Entre le moment où une idée germe dans mon esprit malade et celui où elle se retrouve par miracle en librairie, il se passe tout de même pas mal de temps. Or j’ai une très mauvaise mémoire, mes neurones doivent lutter chaque jour pour se rappeler ce qu’elles ont fait la veille. Mais il me semble que l’idée est venue suite à une discussion avec une amie qui avait dans une vie précédente tenu les rênes d’un McDo de province, et me racontait des anecdotes croustillantes sur l’ambiance et les à-côtés. C’était une période où la lecture de « Paf et Hencule » m’avait fortement donné envie de réaliser des strips bêtes et méchants. Je pense que la connexion des deux a donné naissance à « Fastefoode ».
Mais le projet de départ était encore plus trash et beaucoup plus court, puisque je proposais à Pluttark de réaliser seulement deux ou trois pages de gags. Dans sa grande lucidité, il a eu la sagesse de me dire qu’il y avait certainement moyen d’en faire quelque chose de plus abouti si on revoyait un peu l’approche, pour un angle un tantinet moins radical.

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Êtes-vous plutôt un gros consommateur de fastfood ou au contraire totalement hermétique à ce type de « nourriture « ?
J.B. D’une façon générale, je suis un gros consommateur. Côté fast-food, pas excessivement toutefois ; je n’y vais pas très souvent. Les grosses chaînes proposent quand même des produits relativement dégueulasses, et les nouveaux fast-foods affichent des menus à 18 euros le burger-frites, qu’on est obligés de déguster à côté de hipsters en chemise de bucheron dans une déco sans âme de restaurant « vintage ». Ceci étant, on peut tomber parfois sur de bons sandwichs et on peut les emporter pour les manger tranquillement sous la pluie (oui, je suis Breton). Tiens, d’ailleurs j’ai lu un article intéressant sur le sujet sur le site de Libé, cet été.

Est-ce que vous avez travaillé dans la restauration rapide ?
J.B. Jamais, hélas.

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Vos gags sont souvent très premier degré. C’est plus simple ou au contraire plus compliqué à écrire ?
J.B. « Fastefoode » n’a pas été une BD compliquée à écrire pour moi, c’était très jouissif et je m’y suis plongé à corps perdu sur un temps très court, en écrivant un peu partout : dans le train, dans le bus, chez moi, au resto, en conduisant (ATTENTION ne reproduisez pas ça les kids, c’est très dangereux),… Pluttark faisait ensuite le tri, fort heureusement. Après, « premier degré », je dirais plutôt que j’ai poussé l’exercice de style (mêmes situations, mêmes décors) vers des gags souvent absurdes, voire profondément débiles. Le strip trois cases suppose, à mon sens, de frapper vite et fort.

Est-ce que certains gags ont été inspirés par des faits divers ?
J.B. Non, je ne me suis pas inspiré de vrais faits divers, même si le réel dépasse souvent la fiction. J’ai plutôt mélangé la réalité du quotidien merveilleux de la junk-food et les clichés qu’on s’en fait pour les plonger dans un grand bain d’huile bouillante de conneries.

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Vos deux employés sont obsédés par les filles. Il était important d’écrire des gags sur autre chose que le fast-food pour donner davantage de chair à vos personnages ?
J.B. Oui, d’une certaine façon. Le format est assez contraint, il fallait pouvoir varier les gags pour éviter (j’espère), de se répéter. Les séances de formations, les BD Kids que Pluttark dessine avec un autre style (quel talent) servent aussi à créer ces espaces de respiration. Imaginer des personnages odieux, obsédés et malodorants (ils sentent l’encre d’imprimerie à plein nez) permettait en effet à chacun d’entre nous de nous identifier. Nous sommes tous et toutes des serveurs ou des serveuses, nous sommes tous et toutes des Roland ou des Rolande en cuisine.

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Aucune chaîne de restauration rapide ne vous a contacté pour inclure « Fastefoode » dans un menu enfant ?
J.B. Attendez, je vérifie une dernière fois mes e-mails… « Enlarge your Penis », non… « Partez en croisière avec Julien Lepers », non… « Undelivered mail returned to sender », non… Et bien étrangement aucune proposition pour l’instant, mais je ne désespère pas !

Propos recueillis par Emmanuel Lafrogne

(sur Twitter)

« Fastefoode » par Pluttark et Jorge Bernstein. Fluide Glacial. 12 euros.

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