Jim: « J’aime l’idée qu’on ne change pas »
Que feriez-vous si un amour de jeunesse vous recontactait le jour de votre quarantième anniversaire ? Dans « Une nuit à Rome », Jim estime que vous retomberiez probablement amoureux et s’interroge sur la fidélité, mais aussi le temps qui passe au travers de personnages attachants.
Cette histoire est prévue sur deux tomes d’une centaine de pages. Il était important de pouvoir laisser les personnages s’installer ?
Jim. Exactement. Sur un album de 46 pages, on n’a pas le choix, il faut bien souvent privilégier la narration au détriment des pages d’ambiance. Là, j’avais envie de m’accorder du temps, de grandes cases, des silences. J’ai donc fait le nombre de pages que je sentais… Un luxe !
Dans la postface de cet album, vous expliquez que les planches ont été réalisées avant le scénario. C’est plutôt original…
J. Ça a été un peu casse-tête. En même temps, j’avais une idée de départ, mais ne connaissais pas le développement. J’avoue que j’aime bien ça et qu’il y a un petit plaisir à se mettre en danger. Par exemple, au début, Damien est chez une femme allongée sur le lit. Aujourd’hui, je ne sais toujours pas qui est cette fille, ni pourquoi il regarde un ordinateur. Ces éléments me tiennent éveillé. J’aime me tendre des pièges et devoir ensuite composer avec.
Dans ce premier tome, on a l’impression que le passage à la quarantaine est une étape importante dans la vie, qu’elle marque en quelque sorte le passage à la raison. Est-ce ce que vous avez ressenti ?
J. Le passage à la quarantaine est une horreur sans nom. La seule chose qui peut l’atténuer, c’est de se dire que ça doit être pire à cinquante ans ! Qui court après des rêves (et qui ne court pas après des rêves ?) ne cesse de voir le temps restant pour les réaliser se réduire. À 46 ans, je vis en permanence avec cette angoisse là. Je ne me sens bien qu’au démarrage de mes projets (BD, films) et peste chaque jour d’avoir si peu de temps pour en faire autant que je le souhaite (rires)…
Malgré les années qui passent, Raphaël réagit toujours de la même manière. Est-ce le constat que l’on ne peut finalement pas vraiment changer ?
J. Je ne sais pas si on change. Mais c’est vrai que j’aime bien l’idée qu’on ne change pas, et je pense que cette idée-là sert le personnage. S’il n’a pas changé, il n’y a aucune raison qu’il ne soit pas encore amoureux d’une femme qu’il a aimée à vingt ans.
Dans ce premier tome, on a aussi l’impression que l’infidélité est inscrite dans les gènes de l’homme…
J.
Oh attention, sujet périlleux ! L’infidélité n’est pas inscrite dans les gènes de l’homme. Mais la tentation, si. D’où la gêne de l’homme…
« Une nuit à Rome » parle des relations avec les femmes, mais aussi des illusions perdues et du courage qu’il faut pour changer de vie. Vous êtes admiratif des personnes qui osent le faire ?
J.
Je ne sais pas de quel côté est le courage, et c’est exactement de cela que traite l’album. Est-ce qu’il y a plus de courage à rester avec la même personne où à partir à la première tentation ? Y a t’il une lâcheté à préférer la sécurité d’une vie fidèle, par peur du risque et de l’inconnu, ou une lâcheté à quitter un amour qui s’éteint pour aller vers une promesse de jours meilleurs ?
Une adaptation est prévue pour le cinéma. Pour le rôle de Marie Galanther, vous avez déjà contacté Mareva Galanter ?
J.
Bien vu ! Non, je ne pensais pas elle, mais elle fait partie de ces femmes magnifiques, effectivement. Elle pourrait tout à fait être ce genre de femmes qui, si elle réapparaissait dans la vie d’un de ses ex, aurait quelques arguments pour lui faire radicalement changer de vie ! Et plus sérieusement, au cinéma, la première volonté de tout producteur est de miser sur des noms rassurants, ayant déjà fait leurs preuves au box-office. Je ne sais qui se glissera dans la peau de Marie, mais ce sera sans doute quelqu’un de plus directement issu du milieu du cinéma. On verra bien !
Propos recueillis par Emmanuel LAFROGNE
(sur Twitter)
« Une nuit à Rome », tome 1, cycle 1, par Jim. Bamboo Editions, collection Grand Angle. 17,90 euros.