Jean-Pierre Pécau: «Sherlock Holmes applique sa loi»
Fan de Conan Doyle, Jean-Pierre Pécau reprend le personnage de Sherlock Holmes dans une histoire sombre teintée de politique. «Sherlock Holmes et les mystères de Londres» insiste sur la personnalité du célèbre détective, sur son sens de l’observation, son arrogance mais aussi ses idées anarchistes.
Vu que vous faites référence à deux livres de Conan Doyle dans ce premier tome, on vous imagine fan de Sherlock Holmes…
Jean-Pierre Pécau. Avant tout le style de Conan Doyle, plus que les enquêtes d’ailleurs, sa description de Londres (j’adore Londres), et bien sûr le personnage de Holmes !
Vous aviez le choix entre adapter des enquêtes existantes ou en inventer de nouvelles. Pourquoi avoir choisi la deuxième option?
J-P.P. Il s’agit en effet bien d’enquêtes nouvelles. Surement par respect pour Conan Doyle et puis par originalité vu que les enquêtes du « canon » ont été adaptées tant et tant de fois. Mais, c’est vrai que «Le chien des Baskerville » avec un excellent dessinateur impressionniste pourrait me tenter.
Vous avez cherché à être le plus proche possible du personnage créé par Conan Doyle ? On découvre notamment un Sherlock Holmes anarchiste et capable d’enfreindre la loi…
J-P.P. J’ai cherché un angle qui à ma connaissance n’avait pas été traité, ou bien très peu. Dans une enquête, je ne me souviens plus de laquelle, Holmes dit qu’il a laissé s’enfuir des criminels, car ils étaient moins coupables que leur victime. Holmes applique sa loi et refuse les conventions sociales ce qui est à proprement parlé la définition de l’anarchiste.
Cela veut dire que vous étiez déçu par d’autres adaptations en bandes dessinées, films ou séries ? Est-ce que certaines trouvent grâce à vos yeux?
J-P.P. À vrai dire, je ne connais pas les adaptations BD. Par contre, nombre d’adaptations cinématographiques sont excellentes : « Sherlock Holmes et le collier de la mort » de Terence Fisher, « Sherlock Holmes contre Jack l’Éventreur » de James Hill, « La Vie privée de Sherlock Holmes » de Billy Wilder ou « Meurtre par décret » de Bob Clark. Sans compter les séries ! Et les livres ne sont pas en reste. « La solution à 7% » reste un de mes préférés.
Est-ce qu’il existe des éléments que l’on doit forcément retrouver dans une enquête de Sherlock?
J-P.P. Il y a des règles et des passages obligés bien sûr : les personnages du canon, l’appartement de Holmes et Watson ; mais depuis qu’on adapte les aventures de Holmes on s’est tellement affranchi des règles qu’on peut sans doute inventer ce qu’on veut, jusqu’à un Holmes dans l’espace ! C’est ce qu’il y a de plus fascinant dans l’œuvre de Conan Doyle, elle est tellement puissante qu’on peut la tordre dans tous les sens, Holmes en sortira toujours vainqueur.
Dans « La noyée de la Tamise », on croise le journaliste Félix Fénéon, Toulouse-Lautrec ou Oscar Wilde. C’est important d’ancrer son personnage de fiction dans la réalité?
J-P.P. Pour moi, c’est très important et je procède ainsi dans presque toutes mes histoires. En fait, c’est une habitude avec une bonne raison. Dans le cas de « La noyée de la Tamise », comme je l’ai dit plus haut, il s’agissait de mettre en valeur le côté « anarchiste » de Holmes. À partir de là, je pouvais le montrer, et je le fait d’ailleurs, dans les actions du personnage, mais c’était aussi plus intéressant et plus efficace de lui adjoindre un véritable anarchiste ! Fénéon était un personnage hors du commun contemporain des aventures de Holmes et spécialiste des masques africains. Comme mon intrigue de départ partait d’un masque, Fénéon s’imposait ! Ensuite on tire la pelote. Avec qui Fénéon était-il ami ? Wilde et Lautrec, entre autres ! J’adore me laisse guider par l’histoire à partir d’un point et de trouver des correspondances logiques.
Propos recueillis par Emmanuel Lafrogne
(sur Twitter)
«Sherlock Holmes et les mystères de Londres» par Jean-Pierre Pécau et Michel Suro. Soleil. 15,50 euros.