Jean-Pierre Pécau: « Ces moments où l’Histoire va bifurquer »
A l’origine de cette nouvelle série de one-shots, « Révolutions », Jean-Pierre Pécau raconte les coulisses d’évènements qui ont changé l’Histoire. Ça débute par le Directoire et la prise de pouvoir de Napoléon Bonaparte. « 18 Brumaire » est un habile cours de rattrapage pour ceux qui ont oublié leurs leçons d’Histoire datant du lycée.
Êtes-vous à l’origine de cette nouvelle série « Quand l’histoire de France a basculé »?
Jean-Pierre Pécau. Absolument. Elle est née de la lecture du livre « Bon usage de la guerre civile en France » de Jacques Marseille, qui parle des moments de rupture de l’Histoire de France. Je m’étais dit que cela pourrait faire une mini-série. C’est une manière un peu originale de traiter l’histoire de France.
Une mini-série, car il y a peu de points de rupture dans l’Histoire de France ?
J-P. P. Il n’y en a pas beaucoup. Ce sont des moments où l’Histoire va réellement bifurquer. Par exemple, les événements de Mai 68 ne fonctionnent pas, car tout rentre dans l’ordre à partir de juin. Même si cela change la société, il n’y a pas de réel changement positif de la situation française. Alors qu’il y a un réel changement entre la IVe et la Ve république en 1958. Il y a peut-être six ou sept moments avec ce système défaillant qui va être remplacé par un autre.
C’est le cas avec le Directoire, le sujet de ce premier tome…
J-P. P. On sait à ce moment-là que le régime va changer et des gens comme Talleyrand ou l’abbé Sieyès s’agitent pour le faire changer. Sauf que ça ne va pas dans le sens où ils pensent aller. C’est ça qui est intéressant. Eux ne pensaient pas que cela mènerait Bonaparte sur le trône. Ils cherchaient juste un général pour faire le ménage. À un moment, ça leur échappe. C’est valable aussi pour le prochain tome sur juin 40. Les gens qui le mettent au pouvoir Pétain ne pensaient pas qu’il allait prendre une telle importance et donner cette orientation au régime français. Beaucoup d’entre eux souhaitaient abattre la République, mais ne voulaient pas collaborer.
Le choix de la prise de pouvoir de Bonaparte plutôt que la chute de la Bastille, c’est aussi une envie de sortir un peu des sentiers battus ?
J-P. P. Cela permet en effet de sortir d’une vision un peu linéaire de l’Histoire de France. Le 14 juillet pourrait effectivement faire partie de la collection. La prise de pouvoir d’Henri IV aussi, car il est placé sur le trône par des forces qui pensent le manipuler, mais qui se retrouvent dépassées. Ce sont toujours des moments où des tas de courant s’affrontent et où l’outsider s’impose. Personne n’aurait misé une pièce sur Bonaparte !
Quand vous écrivez sur des événements historiques comme celui-ci, vous imaginez que le lecteur n’a aucune connaissance sur la période ?
J-P. P. C’est très compliqué. Il faut partir de l’idée que le lecteur s’appuie sur des connaissances qui datent du lycée et qu’il s’est empressé d’oublier par la suite (sourire). Donc une base un peu floue. Pour le Directoire, cela se résume à Napoléon prend le pouvoir. Il faut alors un peu creuser et expliquer. C’est assez compliqué de mener l’intrigue et en même temps d’expliquer qui est Talleyrand, sans en faire trop, car ce n’est pas un livre sur lui.
Est-ce que vous cherchez à être le plus proche possible de la réalité ou vous accordez-vous quelques sorties de route pour rendre le récit plus passionnant ?
J-P. P. Ma référence absolue, c’est Alexandre Dumas. Mêler des éléments qui ne sont pas historiques à l’Histoire. Les deux personnages principaux de ce « 18 Brumaire » n’existent pas, mais représentent des tendances lourdes de la société française de l’époque. Le jeune officier qui revient d’Égypte représente effectivement la nouvelle génération née de la révolution française et qui va accéder au pouvoir. Vu que ce n’est pas une biographie de Napoléon, il faut ajouter des éléments dramatiques en essayant de ne pas faire n’importe quoi. Cela ne doit pas aller en contradiction avec la période historique.
Propos recueillis par Emmanuel Lafrogne
(sur Twitter)
« Révolutions – Quand l’Histoire de France a basculé – Tome 1. 18 Brumaire » par Jean-Pierre Pécau et Antonio Marinetti. Soleil. 14,95 euros.