Jean Derycke: « Une caricature de la PQR »

Journaliste sportif au quotidien belge « l’Avenir », Jean Derycke a imaginé un reporter des campagnes proche du François Perrin, joué par Pierre Richard, dans « La Chèvre ». Véritable chat noir, Bertin Timbert va créer l’actualité en provoquant d’innombrables situations cocasses.

Est-ce qu’il y a un peu de vous dans ce personnage qui devient journaliste grâce à Tintin ?
Jean Derycke. Non, pas du tout. C’est plutôt le plaisir d’écrire qui m’a donné envie de faire du journalisme. J’ai lu les « Tintin » quand j’étais môme, mais je n’étais pas un fan absolu. D’ailleurs, à la base l’histoire n’y fait référence que parce que le personnage veut qu’on l’appelle Tintin. C’est le dessin de Devig, qui est un élève de l’école Hergé, qui a accentué ça. Au fil du temps, on y a mis d’autres références. Cela m’a aussi aidé à trouver le prologue de l’album où le héros veut marcher sur les traces de Tintin. Ce prologue a été écrit après la publication de plusieurs épisodes dans Fluide Glacial.

Ce prologue donne encore davantage de vie à votre personnage principal…
J.D. Tout à fait. Quand je crée des personnages, je leur imagine toujours certaines caractéristiques ou un petit passé, sans pouvoir l’utiliser réellement. Grâce à ce prologue, j’ai pu un peu utiliser tout ce que j’avais imaginé. C’était agréable.

Les fictions qui parlent de journalisme présentent plutôt les grands reporters. Pourquoi la presse quotidienne régionale ?
J.D.Déjà parce que, même si je travaille au sport national à l’Avenir, je suis dans un journal de PQR, qui publie différentes éditions partout en Wallonie. C’est donc un milieu que je connais. J’ai aussi un peu travaillé en locale lors de stages avant d’intégrer la rédaction sportive. Cela donne un côté décalé et il peut aussi y avoir de grands reporters dans les régions et les campagnes.

En abordant des sujets comme des noces de diamant ou la première pierre d’un pont, vous ne rendez pas cette PQR très passionnante…
J.D. Le but n’est pas de se moquer, mais d’être dans la caricature. En presse régionale, il y a des sujets passionnants en politique locale ou en culture, mais aussi la petite locale, on appelle ça comme ça en Belgique, qui répercute les petits faits.

Vous n’êtes pas tendre avec cette PQR qui subit les pressions du service publicitaire ou conclut des petits arrangements avec certaines entreprises…
J.D. On est là aussi complètement dans la caricature. Des dérives, du copinage ou des accointances, il y en a en presse régionale comme en presse nationale. Ensuite, que le service nécrologie soit une base financière importante, c’est une réalité. Ça fait partie des éléments qui financent les journaux et qui ont aussi leur utilité. C’est aussi énormément lu.

Il y a du Pierre Richard dans ce Bertin Timbert, non ?
J.D. Sans doute un peu alors que je ne me souviens pas avoir vu tant de films que ça avec Pierre Richard ! Il y a peut-être une petite nuance puisque les personnages de Pierre Richard étaient souvent très maladroits eux-mêmes alors que Bertin Timbert est plutôt victime de la maladresse des autres. Il a juste un côté un peu chat noir et déclenche des catastrophes à l’insu de son plein gré comme dirait Virenque (sourire).

Comment est né ce personnage de Bertin Timbert ?
J.D. Je ne sais pas vraiment. L’un des éléments déclencheurs a été de mettre une « Une » de journal à la fin de chaque épisode. Le concept est parti de là. Le personnage s’est ensuite construit grâce au dessin de Devig. Quand j’ai écrit les premiers épisodes, je n’avais pas de dessinateur. J’ai juste envoyé un projet rédactionnel à Yann Lindingre et c’est lui qui m’a mis en contact avec Devig. Son dessin très méticuleux, très gentil et le propos plus trash des histoires ont tout de suite fonctionné. De moi-même, je ne me serais pas dirigé vers un dessinateur ligne claire, mais il faut reconnaitre que ce décalage marche bien. On a beaucoup discuté et Devig a ajouté de petites touches personnelles. On a alors avancé ensemble.

Vous êtes journaliste sportif depuis vingt ans, mais aucune de vos histoires ne parle de sport. C’est pour le tome 2 ?
J.D. Je ne voulais pas être dans le sport et encore moins le foot. C’est mon domaine et j’ai déjà écrit une bande dessinée sur le sujet en 2014 avec « Les Diablitos » (Joker éditions). J’avais vraiment envie de faire autre chose. Mais, effectivement, s’il y a un jour une suite, ça ne me parait pas impossible que Bertin Timbert se retrouve un jour au bord d’un terrain de foot de provincial pour un derby entre Dour et Uduluc.

Propos recueillis par Emmanuel Lafrogne

(sur Twitter)

« Bertin Timbert, grand reporter – Tome 1. Panique sur la PQR » par Devig et Jean Derycke. Fluide Glacial. 14,50 euros.

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