Jean-Blaise Djian: «Une prison autogérée par les détenus»

Pas de gardiens à l’intérieur de la prison de San Pedro en Bolivie. Ce sont les détenus qui y font la loi ! Un cadre véridique et original pour Pauline et son père Jean-Blaise Djian. Dessiné par Sébastien Corbet, « Au nom du fils » raconte une passionnante histoire de vengeance, d’amour et de rédemption.

Comment avez-vous découvert cette incroyable prison de San Pedro?
Jean-Blaise Djian.
C’est Pauline qui a découvert son existence dans un reportage télévisé. Vivement intéressée par son mode de fonctionnement, elle est allée chercher des informations sur Internet. Elle y a trouvé des sites confirmant qu’il s’agit bien d’une prison autogérée par les détenus. Les gardiens, eux, se trouvant à l’extérieur de l’enceinte. Une espèce de division a pris forme dans la prison, qui s’en trouve divisée en sept secteurs. Chacun étant dirigé par un délégué élu par les autres détenus dudit secteur. Des commerces ont fleuri çà et là. San Pedro est même ouvert aux « touristes » extérieurs.

Avez-vous visité cette prison?
J-B.D. Non, mais nous avons enquêté sur Internet pour recueillir tout ce qu’il était possible d’exploiter pour représenter des obstacles voire des espoirs pour Stéphane, devenu pour la cause Esteban. Les différents aspects du lieu ont une importance capitale dans la mesure où ils nous ont permis d’orchestrer les événements.

« Au nom du fils » n’est toutefois pas un documentaire sur cette prison mais d’abord une histoire centrée sur des personnages forts…
J-B.D. Effectivement, là encore, l’idée de base est partie de Pauline. Partir d’un jeune Français happé par son envie de devenir journaliste et qui a choisi ce pénitencier pratiquement inconnu des Français pour son premier reportage. Il en meurt et quand son père – un loser patenté – en France, l’apprend, il voit défiler toutes ses erreurs passées. En se rendant sur les traces de son fils, il va découvrir un autre monde proche de l’enfer et y faire la connaissance d’un enfant qui était ami avec son fils, et aussi une femme pour laquelle ce dernier avait travaillé. Il nous a semblé intéressant de travailler sur l’évolution psychologique de Stéphane et sur les espérances qu’il suscite pour le petit Miguel et pour Juanita, sa « patronne ».

On retrouve cette importance de l’humain dans les planches de Sébastien Corbet avec des cadrages souvent très serrés sur les visages des personnages. C’était votre souhait?
J-B.D. Effectivement. Sébastien a apporté une formidable dimension humaine à cette histoire. Même si le découpage était précis, il a donné des expressions très fortes aux personnages selon les événements. Il lui est arrivé aussi parfois de rajouter des images pour mieux cadrer certains sentiments des personnages. Pauline et moi avons souvent été émus par son travail.

Votre personnage principal, Stéphane, n’a plus rien à perdre et va se faire enfermer dans cette prison pour venger la mort de son fils. Vous vouliez d’abord raconter cette histoire de vengeance, qui va devenir une histoire d’amour voire de rédemption?
J-B.D. En réalité, son désir se transforme doucement au fur et à mesure de l’avancement du récit. Tout d’abord, il culpabilise et décide de tout quitter, comme pour montrer à son défunt fils qu’il regrette le passé, est prêt à tout pour recoller les morceaux et punir l’homme qu’il a été jadis. Puis, peu à peu, il fait la connaissance de l’assassin de son fils et, autant que l’idée de sortir le petit Miguel de tout ça, un désir de vengeance s’insinue en lui. Mais des sentiments très forts, et pour ainsi dire disparus, naissent en lui. Par ailleurs, les événements vont l’amener à devenir l’employé de l’assassin de son fils. Effectivement, notre envie était de raconter une histoire d’amour et de rédemption.

Propos recueillis par Emmanuel Lafrogne
(sur Twitter)

« Au nom du fils » par Jean-Blaise Djian, Pauline Djian et Sébastien Corbet. Rue de Sèvres. 20 euros.




Share