Fred Duval : « Parler d’une époque à travers ses arts »
« Wendy », c’est une haletante série d’action qui marche sur les traces du livre de J. M. Barrie « Peter Pan ». Mais, comme l’explique son scénariste, c’est aussi une plongée dans cette Europe de 1914 qui refuse de grandir et se lance dans sa première guerre civile.
« Wendy » fait clairement référence à Peter Pan. Pourquoi cette déclinaison du livre de J. M. Barrie ?
Fred Duval. C’est une idée que j’avais depuis longtemps : l’envie de traiter le contexte de la Première guerre mondiale à travers la littérature, le théâtre, les arts de l’époque, loin des tranchées. La pièce de Barrie est emblématique de cette création du XXe siècle naissant. Je m’étais intéressé au syndrome de Peter Pan, car ce syndrome qui touche les hommes adultes peut être ramené à cette Europe de 1914 qui refuse de grandir et se lance dans sa première guerre civile.
Pourquoi Peter Pan inspire autant les auteurs ?
F.D. Peut-être parce qu’il renvoie vraiment à l’enfance (voir syndrome du même nom) et qu’il est profondément graphique. Entre Clochette, Crochet, le crocodile, les sirènes et la jolie Wendy, que de beaux personnages à recréer !
On pense aussi à Indiana Jones pour le rythme ou à Lara Croft pour le personnage de Wendy. C’était des influences ? Il y avait la volonté de faire une série dans la lignée des blockbusters américains ?
F.D. L’ambition était de créer une série d’action en utilisant au maximum les qualités graphiques de Christophe Quet, celles que les lecteurs de « Travis » connaissent bien, en les adaptant à un récit qui mélange l’Histoire (le tome 1 avec la révolte de Chilembwe par exemple) et de la fantaisie pure (comme dans le tome 2) avec une sorte de récit miroir. Je ne pense pas que les blockbusters américains soient construits comme ça. Si vous voulez une référence, disons « Le labyrinthe de Pan ».
Comme dans « Hauteville House » avec Victor Hugo, vous évoquez aussi la littérature classique avec Flaubert et Maupassant. Cela peut surprendre dans une BD d’action ? Pourquoi ce mélange des genres vous intéresse ?
F.D. Dans mes histoires, je traite de sujets qui m’intéressent, et j’ai beaucoup de plaisir à parler d’une époque à travers sa littérature, ses arts. On sait que des gens comme Tolkien ou Céline qui ont connus les tranchées de la Grande Guerre ont été profondément marqués puis ont restitué ces expériences traumatisantes dans leurs œuvres. C’est un sujet en soi.
Les deux tomes sont assez différents puisque le second plonge littéralement dans le livre de J.M. Barrie. Il y avait la volonté de couper le récit en deux parties un peu différentes ?
F.D. Oui, le réel et l’irréel, le rêve et la réalité, la fleur au bout du fusil et la boue des tranchées, la guerre qui devait durer deux mois et l’enlisement de quatre années avec des millions de morts. C’est le sujet principal de Wendy.
Ce deuxième tome introduit également un peu de fantastique avec des créatures imaginaires. Vous ne craignez pas de déstabiliser vos lecteurs en prenant une route un peu différente de ce qui semblait prévu avec le premier tome ?
F.D. Je crois qu’il faut toujours essayer de surprendre le lecteur. Toujours donner ce que les gens attendent comporte le risque de tomber dans une forme de démagogie paresseuse.
Si l’histoire se clôt avec le deuxième tome, vous laissez la porte ouverte à de nouvelles aventures. C’est prévu ?
F.D. Non, Wendy restera un dyptique qui sera un jour j’espère publié sous la forme d’un gros livre de 92 planches.
Propos recueillis par Emmanuel Lafrogne
(sur Twitter)
« Wendy », tome 2. »Neverland » par Fred Duval et Christophe Quet. Delcourt. 13,95 euros.