François Dimberton : « De Funès, c’est un héros de BD »

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Alternant les moments de doute et les heures de gloire, François Dimberton raconte Louis de Funès avec beaucoup de tendresse. Sa biographie dévoile l’homme timide qui se cachait derrière l’acteur survolté et nous redonne très envie de revoir « La grande vadrouille », « Rabbi Jacob » ou « Fantomas ».

Pourquoi une biographie de Louis de Funès ?
François Dimberton. Avec mon ami Alexis Chabert, nous avions envie de faire une biographie pour changer un peu des fictions. Nous nous sommes rencontrés sur l’album « Taxi Molloy » il y a quelques années. Les biographies « Pablo » et « Olympe de Gouges » m’avaient frappé et donné envie de m’y essayer à mon tour, Alexis avait envie de dessiner De Funès, l’affaire était faite.



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Quelles ont été vos principales références ? Avez-vous revu certains de ces films pour vous imprégner du personnage ?
F.D. J’ai travaillé avec cinq ou six biographies pour recouper les informations et monter le plan puis j’ai revu sur le net beaucoup de passages de ses films et pas mal d’entre-eux en entier. Mais le personnage, je suis né avec. Il a explosé quand j’étais gamin. Je le connais donc bien comme tous les gens de ma génération.

Vous prenez beaucoup de temps à expliquer d’où vient Louis de Funès avec le parcours de ses parents et ses galères. Cela vous intéressait plus que ses années de gloire ?
F.D.
Bien entendu. Je suis scénariste donc ce qui m’intéresse ce sont les réussites et les échecs, l’alternance des deux. Il faut des obstacles pour qu’un scénario soit intéressant. Les débuts difficiles de De Funès offrent toute la gamme nécessaire pour s’amuser quand on aime écrire des histoires. De Funès c’est un héros de BD. À chaque fois qu’il va atteindre son but, paf, catastrophe, tout s’écroule et il faut tout recommencer. C’est une mine pour un scénariste ! De plus les parents, comme tous les parents, que ça nous plaise ou non, nous façonnent en grande partie. En connaissant ses parents on comprend mieux le comédien.

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Quand vous décrivez Carlos de Funès, on a l’impression de voir mais aussi d’entendre son fils Louis. La ressemblance était aussi forte ?
F.D. Nous n’avions qu’une seule minuscule photo du père, en tout petit sur internet. Alors nous avons pris le parti de le dessiner comme son fils. Ça fonctionne bien.

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Il y a de nombreuses anecdotes dans cet album mais la plus incroyable concerne l’erreur de dossier qui lui a permis d’être exempté lors de la mobilisation pour la Deuxième Guerre mondiale. Comment avez-vous découvert cette anecdote ?
F.D. Dans les biographies dont je vous parlais au début. Des erreurs comme ça, il y en a eu certainement des tonnes à cette époque. La mobilisation n’a pas été un modèle d’organisation c’est le moins qu’on puisse dire. Pour parler crûment, ça a été un sacré bordel. L’impréparation régnait en maître. Contre l’Allemagne, nous n’avions aucune chance, la suite l’a prouvé.

On découvre un personnage très anxieux, qui semble presque anéanti quand Jean Gabin lui annonce qu’il ne va pas voir ses films. C’est loin d’être le Louis de Funès qu’on voit dans les films…
F.D. C’était un homme terrifié à l’idée de se retrouver sans travail. Il avait connu enfant puis adolescent la vraie misère. L’idée que ça puisse recommencer le paralysait. De plus, il était très émotif et terriblement timide. Je me souviens d’une interview de lui il y a des années à la radio. C’était impressionnant. Pendant une heure, la journaliste s’est acharnée à lui tirer un à un les mots de la bouche. En l’écoutant je souffrais pour lui. À la fin, ils devaient être épuisés tous les deux ! À l’écran c’était tout le contraire, il explosait.

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Dans ses rapports avec Jean Marais ou Bourvil, on sent beaucoup de concurrence et de jalousie entre les acteurs ?
F.D. Avec Bourvil, je ne crois pas. Il y a bien l’histoire des gommettes que je raconte sur le tournage du « Corniaud » mais je crois qu’ils s’estimaient vraiment, sans jalousie de part et d’autre. Avec Jean Marais, c’était différent. Jean Marais, qui était un acteur sérieux, était furieux de s’être fait piquer la vedette dans « Fantômas » par un comique. Aussi De Funès prenait-il un malin plaisir à le mettre en boîte. Avec un Jean Marais très premier degré, ça marchait très bien, donc l’autre en rajoutait régulièrement une petite couche…. Je pense que Jean Marais devait le détester. 



Quand on lit les dialogues de votre livre, on entend la voix de Louis de Funès. Est-ce que vous avez cherché cela ?
F.D. Un peu, oui. Quand je dialogue, je parle à haute voix et j’entendais De Funès. Pareil pour Bourvil, Gabin et les autres. On les a tellement entendus qu’ils sont vissés dans nos oreilles !

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Est-ce qu’une histoire aussi riche ne méritait pas davantage que 120 pages ?
F.D. C’est déjà un gros pavé à lire et je pense que ça suffisait. Un lecteur peut interrompre un roman sans problème, avec une BD c’est à mon sens plus difficile. 120 pages peuvent être lues d’un coup mais on risque l’indigestion si l’action n’est pas relancée régulièrement. Et puis il faut penser au dessinateur. 120 planches, c’est un énorme travail. Un véritable marathon du dessin. On est bien loin des 46 pages classiques !

Propos recueillis par Emmanuel Lafrogne

(sur Twitter)

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« Louis de Funès, une vie de folie et de grandeur » par François Dimberton et Alexis Chabert. Delcourt. 16,95 euros.

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