Entretien avec Nikita Mandryka

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Le prix du Patrimoine 2005 d’Angoulême en poche, Mandryka et son concombre masqué reviennent enfin sur le devant de la scène.

Honoré du prix du Patrimoine lors du 32e Festival de la bande dessinée d’Angoulême, Nikita Mandryka a quitté sa résidence genevoise pour assurer sa présence dans la capitale charentaise. La fin d’une traversée du désert (de la mort lente)…

Vous avez reçu le prix du Patrimoine. Que cela vous inspire-t-il
?

« Le concombre était un légume cultivable, c’est désormais un légume
culturel ! Je suis très content de faire partie du patrimoine, notamment parce que j’ai toujours eu envie de rester, de laisser une trace. Je suis toujours content qu’on reconnaisse mon oeuvre comme une grande oeuvre, même si j’aurais préféré qu’on me l’envoie par la poste, car un prix c’est toujours subjectif et une cérémonie reste une cérémonie. Je préfère faire quelque chose que j’aime faire… ».

C’est-à-dire ? Qu’est ce qui est important pour vous ?
« Dessiner, continuer à dessiner. Pour finalement arriver à la finitude, aux oeuvres complètes du concombre masqué. Car j’ai plein d’idées dans les cartons. Et je veux avoir fini avant la fin (sous entendu, sa fin, NDLR). Ce que je cherche actuellement, c’est de disposer du plus de temps possible pour continuer à dessiner, car c’est vraiment là que je me sens le mieux. Et je recentre sur le concombre masqué parce que je me suis rendu compte que le reste n’intéressait pas le monde… Donc je recycle mes idées pour le concombre. Quant au reste, il y a tellement de choses décevantes, que j’ai décidé de ne plus être déçu ».

Le concombre masqué est actuellement plutôt bien relancé…
« Le fait que l’intégrale des années Pilote, publiée le 13 novembre 2004 par Dargaud à 8.000 exemplaires, se soit bien vendue, va je l’espère inciter mon éditeur à publier la suite… ».

Qu’est-ce qui a pu stimuler Dargaud selon vous ?
« Peut-être le site leconcombre.com
Dans les librairies, les internautes demandaient de plus en plus « Le concombre masqué » et il était introuvable ! Il a dû se dire que Mandryka était sorti de sa torpeur, qu’il était peut-être devenu quelque chose de vendable… Comme j’avais envie de le rééditer à mon compte (je disposais de l’intégralité des droits, j’avais pas un rond et pas de travail), Dargaud a peut-être préféré se lancer… ».

concombre-1.jpgLe fabuleux légume justicier a été réédité grâce à Internet ? Un
paradoxe non ?
(1)
« Sur Internet, les gens consultent beaucoup mais ne lisent pas tout. Il n’y a pas d’antagonisme entre le web et l’imprimé, l’un ne gêne pas l’autre. Un bibliophile aimera toujours posséder l’oeuvre. Je n’ai pas envie de lire un livre sur mon écran, le livre est irremplaçable. J’ai fait ce site parce que j’ai eu ma traversée du désert. Il me prend beaucoup de temps : scanner les pages, créer des gifs, etc. Je vais m’arrêter un peu à la fin parce que je suis fatigué. Je continuerai à mettre quelques inédits, quelques trucs dans Les Echos. J’ai toujours envie demontrer des choses et pas forcément de la BD. Disons que je m’étais créé une urgence avec ce site, et que maintenant que le relais est pris (par la réédition), j’en ai moins besoin. Mais je ne compte pas le confier à quelqu’un ou demander un coup de main ».

Quel futur immédiat pour le concombre et pour Mandryka ?
« Après « Le Bain de Minuit », qui fait près de 40 pages, la suite sera « Le Monde fascinant des problèmes » : le concombre veut épouser Zaza, sa secrétaire de direction… D’ici 2 ans, on saura s’il y est parvenu ou pas. Après, pourquoi pas des contes zen du concombre ? Je souhaite explorer le concept du [jardin
->http://www.leconcombre.com/dictionnaire/gq/jardin/zen01.html], car j’aime beaucoup le zen, le bouddhisme, le tarot… J’ai envie de partager cela, de l’expliquer et demontrer que c’est très très simple. Et puis j’aimerais bien reprendre « La Horde », car je n’aimais pas trop la fin ».

Propos (et photo) recueillis par [lns
->mailto:bretzel-liquide@liens-ltd.net]

(1) Dans une [interview publiée le 18/11/2004
->http://www.leconcombre.com/bio/binz/hebdo-01.jpg], Nikita Mandryka qualifiait Internet comme « un outil formidable qui m’a permis de remettre le concombre en scène après des années d’interruption sans passer par un éditeur ».

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