Emmanuelle Teyras: « Raconter les filles de notre génération »

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Inspirée par son histoire personnelle, mais aussi par les anecdotes racontées par ses copines, Emmanuelle Teyras a créé le personnage d’Emma. « 40 ans! What the fuck ! » raconte les pétillantes aventures de cette quadra divorcée qui revient sur le marché des célibataires.

Comment êtes-vous passé de l’illustration jeunesse à cette bande dessinée principalement axée sur la vie amoureuse d’une quadra ?

Emmanuelle Teyras. En parallèle de mon métier d’illustratrice pour la jeunesse, j’ai fait beaucoup de dessins pour la presse, et aussi pour la pub. Comme beaucoup d’illustrateurs, je dois m’adapter à tous les supports pour gagner ma croûte ! Je pense que mon sens de l’humour aigu (sourire) et mon penchant à tout dessiner et caricaturer a fait que, depuis plus de dix ans, j’entends mon entourage me motiver et me dire que je devrais vraiment faire une BD qui nous raconterait « nous », mes copines et moi, les filles de notre génération. Je me suis longtemps dit que je n’y arriverais pas, que c’était trop énorme. J’avais un peu la flemme et beaucoup de manque de confiance.

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Vous l’avez d’abord publié sur votre blog ?

E.T.
J’ai commencé mon blog en 2009, parce que je n’avais pas de site, et je me disais que c’était un bon moyen de me faire connaître. Ça a été assez vite un grand espace de liberté pour moi, et j’ai raconté des histoires personnelles, plus ou moins intéressantes… Jusqu’à ce que je raconte ma séance chez un kiné (très joli garçon) sur lequel je me suis mise à fantasmer, via blog. C’était très drôle parce que je me laisser aller à toutes les digressions possibles, sans me mettre de barrières dans les dessins et les propos. Mes fantasmes ont trouvé l’endroit idéal pour s’exprimer. J’ai construit le personnage d’Emma, un peu moi mais pas complètement, car plus naïve et romantique que moi (enfin, pas tant que ça). Et j’ai commencé à raconter l’histoire de la fille qui en pince pour son kiné.

Est-ce que le blog permet d’avoir un retour des lecteurs ?

E.T.
C’est grâce à mes lecteurs de plus en plus nombreux, et à leurs réactions par rapport à cette nouvelle histoire (les statistiques de fréquentation de mon blog ont littéralement fait un bond à cette époque-là, et je suis passée de quelques visites journalières à plus de 400 par jour aujourd’hui) que je me suis dit que cette histoire était drôle et qu’il fallait en faire une BD !

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Cet album ne compile pas plusieurs histoires, mais raconte plutôt une grande histoire avec plusieurs épisodes. C’était important d’avoir cette continuité et cette cohésion ?

E.T.
La BD était au départ une suite d’histoires drôles, de compilations d’aventures que j’avais entendues à gauche et à droite. Puis, j’ai eu envie d’en faire une seule, de raconter une tranche de vie d’une femme de 40 ans, séparée et qui se retrouve « sur le marché des célibataires ». Parce que cette expérience est assez dingue, c’est une sorte de nouvelle adolescence (même si on a moins de liberté et un peu plus de rides, et qu’on supporte moins bien les nuits courtes). Je me suis retrouvée moi-même dans un tel changement, en ayant eu 40 ans et en m’étant séparée du père de mes enfants, j’ai entendu autour de moi tellement d’histoires drôles qui arrivaient aux filles dans la même situation, que j’ai voulu tout compiler dans une seule vie. Je me suis dit aussi que ça ferait un bel album dans lequel plein de quadras se reconnaîtraient.



Doit-on y voir l’influence de séries télés ?

E.T. Je ne sais pas… Mais, j’ai évidemment été accro à « Sex and the City », « Absolutely Fabulous », et j’ai rêvé ado sur « Dirty Dancing », puis plus tard sur « Pretty roman ». Les blogs de filles sont issus d’une culture série télé, et ça doit forcément se sentir quelque part.

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Votre héroïne s’appelle Emma. Il y a beaucoup de vous ou de vos copines dans cet album ?

E.T. 
Oui, il y a beaucoup de moi : pour la fille séparée et ses deux enfants, j’ai pris modèle sur moi et mes petits. Mes copines, j’ai piqué leurs visages, même si les caractères que je leur ai attribués sont très différents des véritables ! Quant aux histoires, elles ne me sont pas directement arrivées.



C’est toujours plus drôle quand ce sont des situations vécues ?

E.T.
Je me dis que la vie est le meilleur scénario du monde. Il arrive souvent des choses qui nous font dire « Eh, attends, si ça arrivait dans un film on n’y croirait pas tellement c’est énorme ! ». Mais ces choses folles arrivent dans la vie. Je n’ai pas encore couché avec un de mes médecin, dentiste ou kiné, par contre j’ai entendu l’histoire d’une fille qui a eu une aventure avec … son gynécologue ! Si, si. Alors maintenant, quand je vais à des dîners ou des soirées, je note systématiquement les choses qu’on se raconte et qui me font hurler de rire. Je me nourris des histoires des autres (et des miennes) bien entendu.

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Est-ce ce que raconter ces histoires avait également une fonction presque thérapeutique, vous a aidé à passer le cap de la quarantaine ?

E.T. Complètement. Au moment où j’ai eu 40 ans, j’ai réellement flippé en me disant que c’était beaucoup trop vieux. Bon, je le pense toujours, mais je vois plus le côté génial de cet âge, pas si mal au fond.



Il y a beaucoup d’autres dessins sur votre blog. Est-ce une récréation par rapport à vos travaux d’illustratrices ?

E.T.
Oui et non. De toute façon, le blog est pour moi un exercice que j’essaie de faire quotidiennement. Plus qu’une récréation, je dirai que c’est un entraînement pour dessiner plus vite et alléger mon trait, et c’est un vrai espace de recherche artistique. 



Propos recueillis par Emmanuel Lafrogne

(sur Twitter)

« 40 ans! What the fuck ! » par Emmanuelle Teyras. Delcourt. 18,95 euros.

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