Charlie Zanello : « Un plaisir d’auditeur »

En immersion pendant un an dans la Maison de la Radio, Charlie Zanello raconte Radio France avec tendresse et humour. On prend beaucoup de plaisir à découvrir cette micro-société et à déambuler avec lui dans cette « Maison Ronde (Radio France de fond en comble) ».

Charlie Zanello a passé plusieurs mois en immersion dans la Maison de la Radio. Cet emblème de l’architecture du XXe siècle, classé au titre des Monuments historiques, abrite sept chaines de radio – dont France Inter. 4.500 personnes y travaillent. Une véritable micro-société que le dessinateur croque ici avec humour.

Comment est née cette bande dessinée ? Est-ce une commande ?
Charlie Zanello.
Ce n’était pas une commande, plutôt un plaisir d’auditeur. Une petite porte s’est ouverte du côté de Radio France via les éditions Dargaud suite à la sortie de mon précédent album (« Dedans le Centre Pompidou-Metz », Dargaud, 2018). Il a fallu ensuite prendre le temps, environ une année, pour obtenir les autorisations nécessaires. Une fois les autorisations obtenues et mon badge autour du cou, j’ai été accueilli partout avec enthousiasme.

Quand on s’attaque à un tel monument, on a le sentiment que le plus difficile est de trouver le bon angle d’attaque. Cela a été le cas ?
Ch.Z.
Oui ! Cette maison, en plus d’être ronde, est tellement vaste et riche qu’il y a de quoi être désorienté. C’est sept chaînes de radio, chacune avec son identité, sa couleur, ses événements prévus ou non, sans parler des orchestres, des salles de spectacles, des opérations extérieures… La maison ne ferme jamais. Pour moi, qui suis plutôt désorganisé, je n’avais pas d’autre choix que de me perdre. Alors j’ai choisi de me perdre de manière délibérée, ou presque. C’est un excellent moyen de vivre des moments surprenants et de faire des rencontres étonnantes.

Déambuler seul dans cette maison ronde a été compliqué ? Est-ce la raison de la création du fantôme ?
Ch.Z.
Non, une fois mon badge obtenu, j’ai pu déambuler de manière complètement libre. Le résultat c’est une dizaine de carnets remplis de notes et de dessins, et un gros travail de tri au moment de passer à l’écriture des pages. Le fantôme me permet de synthétiser beaucoup de rencontres et d’anecdotes en un seul personnage et de sortir de l’aspect purement documentaire. D’autre part, le fantôme me permet de marquer l’aspect historique de la maison, hanté par son passé et par les nombreuses personnalités qui ont fait ou font encore sa réputation.

Les portes s’ouvrent plus facilement sans micro ou caméra ?
Ch.Z.
Difficile pour moi de répondre à cette question, mais j’imagine qu’on est forcément moins envahissant avec un carnet qu’avec une caméra. L’idée n’est pas non plus de se planquer, ou de jouer les espions, mais de vivre le quotidien de la radio le plus naturellement possible, dans toute sa richesse et sa diversité.

Dans le livre, vous parlez du petit pouvoir de votre carnet…
Ch.Z.
Bien que ce soit plus discret (peut-être) qu’une caméra, mon carnet me place dans la position d’ »observateur « , et malgré ma volonté de ne pas être trop envahissant, je me suis rendu compte que cela pouvait être déstabilisant pour « l’observé ». Tout comme je peux être déstabilisé lorsqu’on me tend un micro.

Graphiquement, vous avez dessiné vos pages au fur et à mesure ou simplement pris des notes ?
Ch.Z.
J’ai pris beaucoup de notes dans un premier temps. J’ai rempli des carnets de dessins pendant les six premiers mois. Je ne vis pas à Paris, donc je faisais des allers-retours réguliers où j’allais voir le maximum de choses, puis je laissais reposer. J’ai débuté mon immersion en mars 2019 mais je n’ai commencé l’écriture des pages qu’à l’automne.

C’est parce que vous en aviez marre de dessiner des studios, des bureaux et beaucoup de couloirs que vous avez accompagné des équipes sur le Tour de France puis dans un festival de musique ?
Ch.Z.
J’étais surtout curieux de découvrir ce qui se passe hors-les-murs. Le Tour de France est un moment incontournable. J’ai adoré accompagner la voiture technique sur toute une étape, même si j’ai assez peu dessiné en temps réel (pour ne pas être malade). De la même manière, assister à l’enregistrement par une équipe de FIP d’un groupe de jazz new yorkais dans un petit village alsacien, me paraissait être suffisamment incroyable pour sortir des studios et faire le déplacement.

La pandémie de Covid-19 a écourté votre immersion…
Ch.Z.
Quand le confinement a été décidé, j’étais déjà sur la fin de mon immersion et l’écriture des pages était déjà bien entamée donc ça n’a pas réellement bouleversé mon projet. La pandémie a mis un terme assez brutalement à mes visites, mais j’avais suffisamment de matière. Parmi mes petits regrets personnel, j’aurais voulu m’intéresser un peu plus aux orchestres ou aller par exemple visiter des locales de France Bleu. La liste pourrait être longue, mais je ne crois pas pouvoir me plaindre.

Propos recueillis par Emmanuel Lafrogne
(sur Twitter)

« Maison Ronde (Radio France de fond en comble) » par Charlie Zanello. Dargaud. 22,50 euros.

Share