Bastien Vivès: « C’est une manière de s’identifier plus violente »

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Déjà remarqué et primé pour « Le goût du chlore », Bastien Vivès récidive avec « Dans mes yeux », une œuvre originale qui propose de se glisser dans la peau d’un jeune homme et de tomber amoureux d’une jeune inconnue. Le pari est osé mais totalement réussi.

« Dans mes yeux » utilise un procédé narratif très original en BD puisque le lecteur découvre l’histoire à travers les yeux du personnage principal. Comment est venue cette idée ?
Bastien Vivès. Cela découle tout simplement de ce que je voulais mettre en valeur dans mon histoire, c’est-à-dire ses attitudes, ses réactions et les mots qu’elle emploie. Et aussi le fait que j’avais envie de la dessiner durant toutes les cases et de prendre le temps de développer ces moments. Je pense que ça amène une manière de s’identifier plus violente. Au moins, on se concentre sur ce personnage féminin et notre esprit n’est pas pris ailleurs.

C’est en quelque sorte une BD dont on est le héros ?
B.V. Oui une sorte de FPS (NDLR : jeu de tir subjectif dans le langage des jeux vidéo) en BD, si on veut… Mais, il n’y a pas de héros!

Cela veut dire qu’il y a de grandes chances que le lecteur tombe amoureux de l’héroïne ?
B.V. Je voulais qu’on puisse s’y attacher de manière à mieux rentrer dans l’histoire. Il est certain que si elle nous laisse indifférents, ça n’a pas vraiment d’intérêt.
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Pourquoi n’a-t-elle pas de prénom ?
B.V. Parce qu’il n’y en avait pas besoin et que je voulais que cela soit une histoire parmi tant d’autres. Que ça reste accessible.

Quelles ont été vos sources d’inspiration au moment de la dessiner ?
B.V. C’est inspiré de personnes que j’ai connues. J’ai un peu pioché à droite à gauche. Je voulais qu’elle soit légère, inconnue et facile. Pour mes personnages féminins comme masculins, je m’inspire toujours de personnes existantes, que ce soit physiquement comme mentalement.

Le choix des crayons de couleur ?
B.V. Mon précédent album était aussi réalisé au crayon de couleur et je voulais continuer dans la même lignée. Disons que c’est une manière de travailler plus instinctive.
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Dans certaines scènes, c’est la seule à être crayonnée. C’était un bon moyen de montrer que votre héros tombe amoureux et ne voit plus qu’elle ?
B.V. J’ai utilisé ça comme une mise au point. Là où il regarde, c’est net, le reste est flou. Je pense que c’est par souci de réalisme et vu qu’il ne fait que de la regarder, ça force le spectateur à ne voir qu’elle.

Est-ce qu’il a été difficile de trouver une fin à cette histoire et vouliez-vous éviter certains clichés ?
B.V. La fin de l’histoire était ma première motivation. J’ai ensuite progressivement construit toute l’histoire jusqu’à cette chute. Le cliché est une bonne chose, car on sait que ça fonctionne et que ça parle à tout le monde. Mais, en lui-même, il n’a aucun intérêt. Il faut y mettre un point de vue.

Propos recueillis par Emmanuel Lafrogne

« Dans mes yeux » par Bastien Vivès, collection KSTR chez Casterman, 16 euros.

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