B-gnet: «L’histoire de la shérif d’une petite ville sans histoires»

Chapatanka n’est pas vraiment une petite ville du Midwest sans histoire. On y trouve des cadavres de vacanciers dans le lac, une famille de rednecks dégénérés, un serial killer, des ovnis, un hôtel maudit… B-gnet s’amuse ainsi à détourner de grands classiques du cinéma américain. Des histoires drôles et décalées qui pourraient bien aider la shérif du comté à assouvir ses ambitions littéraires.

Comment présenteriez-vous « Chapatanka »?
B-gnet. Pas facile. C’est l’histoire de la shérif d’une petite ville sans histoires, ce qui l’arrange bien car ce qu’elle veut, elle, c’est écrire son roman. Hélas, il se passe plein de choses étranges dans sa ville ces temps-ci, ce qui l’oblige à faire son travail. Mais ces événements pourront peut-être l’inspirer pour écrire…

« Chapatanka » débute et se termine avec des histoires inspirées par « Shining ». Cela a été le point de départ de cet album?
B.
La première histoire n’est pas vraiment basée sur « Shining ». J’ai commencé suite au visionnage d’un film, dont j’ai oublié le nom, avec des enfants disparus. Le fait que ce soit des jumelles m’a fait penser à Shining. Cela m’a permis de faire un lien et d’avoir une sorte de fil rouge tout au long de l’album. Cela reste tout de même discret vu que les histoires sont publiées indépendamment dans « Fluide Glacial ». On ne peut pas faire trop d’allusions entre elles, puisqu’il faut qu’elles puissent être lues individuellement.

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On prend aussi beaucoup à découvrir les innombrables clins d’œil disséminés dans votre album. Comment réussir un bon détournement?
B.
Chacun sa recette, mais mon principe est généralement de changer le propos, le principe ou le thème du récit d’origine. Par exemple pour Rando, qui parodie « Rambo », on ne parle plus de traumatisme de guerre mais de randonnée. Si ça marche bien, les scènes « reprises » deviennent idiotes.

Pourquoi avoir situé votre histoire à Chapatanka plutôt qu’à par exemple Aurillac?
B.
Ça aurait pu se passer n’importe où, mais à force de lire et de voir des histoires qui ont l’air de toujours se passer dans la même petite ville d’Amérique, ça m’a donné envie de tout centraliser dans le même patelin. Alors, j’ai inventé Chapatanka. Puis je connais trop les particularités d’Aurillac, ça n’aurait pas été la ville générique qu’il me fallait.

Le dessin de Jocelyn Joret fonctionne parfaitement avec le ton de votre histoire et avec l’esprit Fluide Glacial. Qu’est-ce qui vous a séduit dans son style?
B.
Avant qu’on se lance tous les deux dans ce projet, je l’ai juste vu dessiner lors de séances de dédicaces. On s’est en effet retrouvé deux fois côte à côte. Ça m’a suffi pour me dire qu’il saurait le faire. C’est finalement encore mieux que je ne le pensais. Jocelyn mélange tellement de techniques tout en gardant bien en tête le récit que le résultat est élégant tout en restant cohérent et efficace.

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Des planches sur le travail de romancier de Maddie assurent une transition parfaite entre les histoires. C’était important d’avoir ce fil conducteur?
B.
La prépublication en magazine nous empêchant de faire des histoires à suivre, il a fallu ajouter des pages pour reconstruire le lien qu’elles avaient entre elles. Ça fait des gags en plus et je voulais qu’on voie ce que Maddie écrit. Tant mieux si ça fonctionne !

Comme votre héroïne, vous trouverez qu’il ne se passe pas grand-chose dans votre quotidien qui mériterait d’être raconté en BD?
B.
On peut tout raconter, il suffit de trouver le bon ton. Mais mon quotidien, je le vis déjà, je ne vais pas le revivre en BD sous peine de tourner en boucle. Ceci dit, il y a des parts de mon quotidien dans « Chapatanka ». Dans tout ce que j’écris, même si on ne dirait pas toujours.

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Maddie souffre du syndrome de la page blanche. Cela vous arrive aussi?
B.
Ça fait longtemps que ça ne m’est pas arrivé. Encore que j’ai été bloqué sur certaines histoires de « Chapatanka ». Pour en sortir, il faut attendre un déclic qu’il est dur de forcer parce qu’il surgit de nulle part. L’ennui, c’est que quand c’est notre métier, des fois, il faut creuser. J’ai des idées notées dans un carnet qui peuvent parfois me sortir de l’ornière. Mais là, ça va, je souffre d’avoir trop d’idées et pas assez de temps pour les réaliser.

Ce serait bien d’être inspiré pour écrire de nouvelles enquêtes à Chapatanka. C’est envisagé?
B.
Je suis en train de voir si j’ai assez d’idées justement pour faire un deuxième tome. C’est possible. L’éditeur a l’air motivé. J’attends surtout de savoir si Jocelyn a le temps de le dessiner sinon ça ne sert à rien.

Propos recueillis par Emmanuel Lafrogne
(sur Twitter)

« Chapatanka » par Jocelyn Joret et B-gnet. Fluide Glacial. 15,90 euros.

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