MON TRAÎTRE
L’attachement et la fascination d’un jeune Parisien pour un chef de l’IRA qui fut en réalité un espion à la solde des Britanniques. Sensible et juste.
A l’occasion d’un voyage, Antoine tombe amoureux de l’Irlande et finit par croiser à Belfast le chemin de militants de l’Armée républicaine irlandaise (IRA). Au gré des amitiés qui se nouent, sa sympathie pour la cause nord-irlandaise se développe, d’autant que le charismatique Tyrone Meehan, responsable de l’IRA et vétéran de tous les combats contre les Britanniques, en vient à le considérer presque comme son fils…
« Mon traître » est l’adaptation en bande dessinée du roman d’inspiration autobiographique éponyme de Sorj Chalandon, journaliste et auteur de reportages sur l’Irlande du Nord qui lui ont valu le prix Albert-Londres en 1988. Le récit de Pierre Alary (« Les échaudeurs des ténèbres » et « Belladone » avec Ange) a construit sa narration sur deux plans. D’un côté, sur des planches réalistes souvent monochrones aux teintes automnales, près de 30 ans d’allers et retours entre Belfast et Paris pendant lesquels Antoine chemine au contact de l’IRA, découvre les manifestations, les violences, les arrestations et la résistance de tout un peuple jusqu’à la mort même. De l’autre côté, sur des pages blanches des comptes-rendus d’interrogatoires dactylographiés menés par le Conseil de l’IRA sur… Tyrone Meehan. Car on l’apprend très vite, le héros d’Antoine et des Nord-Irlandais est un traître: pendant 25 ans, de 1981 à 2006, il fut un agent agissant pour le compte des Anglais trahissant ses parents, ses enfants, ses camarades, ses amis. Le profond attachement d’Antoine pour Tyrone, sa fascination puis sa déception et sa douleur sont décrits avec beaucoup de sensibilité rendant le récit assez émouvant.
Pour connaître cette histoire sous l’angle du « traître », il faut lire « Retour à Killybegs », autre roman de Sorj Chalandon, ou attendre que Pierre Alary finisse de l’adapter.
Dessin et scénario: Pierre Alary – Editeur: Rue de Sèvres – Prix: 20 euros.