LOUIS RIEL, L’INSURGÉ

L’histoire vraie de l’insurrection d’une communauté de métis indiens, emmenés par Louis Riel, dans les années 1870 au Canada. Une fresque historique extrêmement documentée et passionnante.

En 1869, la colonie de la rivière Rouge, région proche de la frontière américaine qui deviendra un jour le Manitoba, est vendue au Canada par son propriétaire, une entreprise de commerce de fourrures. Sur les 12.000 habitants, 80% sont des métis indiens parlant français qui refusent d’être autoritairement intégrés à la collectivité des Etats du Canada et craignent d’être désavantagés par rapport aux anglophones. Les « sang-mêlés » – comme les appellent les Canadiens – décident donc de se rebeller. A leur tête, un homme cultivé et déterminé: Louis Riel.

Canadien anglophone, Chester Brown s’est lancé dans un ambitieux projet en retraçant un épisode de l’histoire du Canada qui, à travers le combat et la destinée d’un homme, aura soulevé les passions et divisé le pays. Les Canadiens français du Québec ont fait de Riel un véritable étendard, alors que du côté des unionistes de l’Ontario, on a poursuivi ce personnage d’une haine implacable. Pour la petite histoire, Riel avait déjà inspiré Hugo Pratt qui a mis en scène un de ses descendants: « Jésuite Joe ».

« Louis Riel, l’insurgé » qui vient d’être traduit chez Casterman, est imposant : 280 pages visiblement très documentées, noms des personnages et dates à l’appui. Une vingtaine de planches, à la fin de l’album, sont d’ailleurs consacrées à la documentation. Brown y récapitule des références bibliographiques, des citations, bref toute une foule de précisions impressionnante. Dans un souci frisant la maniaquerie, il a même tenu à mentionner les cases qui ne correspondent pas tout à fait la réalité comme… la mise en scène d’une diligence au lieu d’un char à bœufs par exemple!

La multitude des détails est contrebalancée par un graphisme simple et clair. Le style de Brown, tendance ligne claire, est un avantage car le découpage choisi (six petites cases carrées en noir et blanc par page) aurait pu donner quelque chose d’assez confus graphiquement. De plus, par souci de compréhension dans cet album traduit de l’anglais au français, les personnages parlant en français dans le texte original – et c’est le cas sur une bonne partie de l’ouvrage -, voient leurs dialogues mis entre crochets, ceux en anglais en étant en revanche exempts.

A force de didactisme, « Louis Riel, l’insurgé » courait le risque de s’essouffler et de lasser le lecteur: 280 pages c’est long ! Or il n’en est rien, en partie grâce à l’humour discret distillé dans tout l’album. C’est le cas en particulier de la folie mystique de Louis Riel dont ne cesse de se moquer l’auteur.

On connaissait Chester Brown comme auteur autobiographique (« Le Play-Boy » et « Je ne t’ai jamais aimé »). Avec « Louis Riel, l’insurgé », il nous montre qu’il est aussi à l’aise avec la fresque historique.

Casterman

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