LES YEUX DOUX
Des exclus d’une société dictatoriale redécouvrent la liberté et la vie. Une dystopie sympathique.
Produire, consommer, contrôler. Tel est le leitmotiv de cette société rétro-futuriste qui décrit un monde industriel où les citoyens sont opprimés, surveillés en permanence par les caméras cachées derrière d’immenses illustrations de pin-up ornant les murs. Anatole, pourtant employé modèle des « Yeux doux », va enfreindre le règlement lorsqu’il tombe sous le charme d’une jeune voleuse surprise par les caméras en train de voler une pomme. Licencié, il va être accueilli au « jardin des bennes » au sein duquel se cachent des rebelles.
Le sujet de cette dystopie mis en place par le prolifique Eric Corbeyran (« Le Chant des Stryges », « Uchronie[s] et Metronom’ ») est loin d’être nouveau et de célèbres romans ou films viennent immédiatement à l’esprit: « 1984 », « Brazil », « Metropolis », « Les Temps Modernes », etc. Pour autant le récit est plutôt sympathique: léger, fluide et aux dialogues vivants, il offre aussi des personnages bien attachants et surtout un univers visuel très riche au style franco-belge signé de Michel Colline (« Tueur de Cochon », « Aspicman », « Charbon »). L’oeil se perd dans les détails de cette ville tentaculaire où chaque mètre carré semble exploité, y compris en hauteur, dans un enchevêtrement de routes, escaliers ou chaînes de production. Ici, la résistance contre cette manipulation de masse ne passera pas par le terrorisme et s’il y a quelques invraisemblances, si la conclusion arrive un peu vite, elle nous laisse sur une note optimiste teintée tout de même d’une certaine amertume: quand un système disparaît, c’est pour être vite remplacé par un autre…
Dessinateur: Michel Colline – Scénariste: Eric Corbeyran – Editeur: Glénat, collection 1.000 Feuilles – Prix: 24 euros.