LES ENFANTS
Le quotidien d’une bande de gamins dans un pays africain ravagé par la guerre et la misère face à l’absurdité des adultes. Un album de Stassen moins grave que son « Deogratias » mais toujours dans l’actualité.
Après « Deogratias » (prix Réné Goscinny 2000) racontant comment un jeune Hutu se fait aspirer dans la spirale de la haine et des massacres au Rwanda, Stassen signe pour la collection Aire Libre de Dupuis un one shot sur le quotidien dans un pays écartelé par la guerre, la pauvreté et l’hypocrisie du néocolonialisme.
Dans un pays d’Afrique noire en guerre, des enfants orphelins ou abandonnés tressent des paniers en osier dans l’atelier d’une ONG. Mais alors que les combats sont à leurs portes, quel avenir peuvent espérer Mongol qui ne parle bien qu’avec les animaux, Black Domino le vantard ou le petit Angel qui aime se faire plaindre ?
Grâce au dessin faussement naïf de Stassen qui évoque les peintures africaines, grâce aux couleurs chaudes et aux effets de lumière, le lecteur plonge immédiatement dans cette ambiance d’Afrique noire. On notera que dans cet album, ce sont les blancs (adultes) qui parlent en « petit nègre » puisqu’ils s’expriment dans la langue des enfants, qu’ils ne maîtrisent pas. Les enfants eux parlent naturellement, de façon même très adulte parfois, notamment Mongol.
Dans « Les enfants », il n’y pas de méchants ni de gentils. Tous ici ont leur face sombre, qu’il s’agisse du vieil homo plein de cynisme, du policier anti-blanc, du pro-rebelle homophobe et violent ou du Belge bossant dans l’humanitaire mais un peu pédophile sur les bords. Seule peut-être Anika, la jeune Suédoise qui travaille pour l’ONG, incarne la bonté sans arrière-pensée… mais elle finira par renoncer et retourner chez elle. Sur ce pays ravagé, tous ces hommes tentent donc de faire valoir leurs propres intérêts. Au milieu, les enfants entendent et rapportent ce que leur disent les adultes, bref se font manipuler. Et peu à peu, leurs instincts barbares vont se révéler. « Les enfants » met donc en images les désillusions, les rancoeurs et le rejet de la différence. Mais pouvait-il en être autrement? La conclusion de Stassen en tout cas est implacable: la méchanceté, autant que l’innocence, est naturelle à ces enfants.
Un album à découvrir, au ton à la fois poétique et politique.
– Dupuis