LE SMARTPHONE ET LE BALAYEUR
Un balayeur de rue trouve sur le trottoir un téléphone portable en burn-out. De longues conversations philosophiques s’engagent entre eux. Une bande dessinée décalée de la part du lauréat du Grand Prix d’Angoulême 2020 mais pertinente.
C’est une sorte d’ovni dans la production d’Emmanuel Guibert, lauréat du Grand Prix d’Angoulême 2020. Avec son dessin simpliste façon gros nez, son décor inexistant (hormis un petit montage photo lançant chaque strip) et ses couleurs limitées à du noir, vert et jaune, « Le smartphone et le balayeur » n’a pas grand chose à voir avec ses BD témoignages « Le Photographe » et « La Guerre d’Alan » ou encore ses séries humoristique « La fille du professeur » et jeunesse « Ariol ». D’emblée on se dit d’ailleurs qu’il va être difficile de maintenir l’attention du lecteur sur une centaine de pages aussi peu sexy, simplement en suivant les conversations d’un smartphone dépressif tombé sur un trottoir et d’un agent d’entretien désabusé.
Pourtant les échanges des deux personnages et les réflexions philosophiques induites s’avèrent pertinents d’autant qu’Emmanuel Guibert parvient à insuffler un peu d’humour dans ses dialogues et ses chutes. Peut-on accepter de livrer dans un téléphone autant d’infos privées? Peut-on être à la fois ultra connecté au monde derrière son écran et déconnecté de la vraie vie? etc. Evidemment l’exercice de style finit tout de même par atteindre ses limites mais en dressant un portrait un peu cruel de l’évolution de la société depuis l’avènement du téléphone portable tout en mettant un coup de projecteurs sur les « invisibles », Emmanuel Guibert parle finalement encore une fois des gens, comme dans ses albums précédents.
Dessin et scénario: Emmanuel Guibert – Editeur: Les Arènes BD – Prix: 20 euros.