L’ASSOMMOIR

L’histoire sordide de Gervaise, Lantier et Coupeau dans le nord Paris du XXIe siècle. Une transposition réussie du classique de Zola à l’heure des téléphones portables et de Deliveroo.

Le pari est audacieux: transposer le chef d’oeuvre naturaliste d’Emile Zola écrit à la fin du XIXe siècle au coeur du XXIe siècle. «J’ai voulu peindre la déchéance fatale d’une famille ouvrière (…). Au bout de l’ivrognerie et de la fainéantise, il y a le relâchement des liens de famille, les ordures de la promiscuité, l’oubli progressif des sentiments honnêtes, puis, comme dénouement, la honte et la mort», justifiait alors l’écrivain dans la préface de son roman.
Le résultat est réussi: 150 ans après, Gervaise n’est plus blanchisseuse mais hôtesse d’accueil puis esthéticienne et son compagnon couvreur, Coupeau, désormais livreur à vélo pour Deliveroo, mais la transposition des métiers, des décors et du quotidien des personnages ne paraît jamais forcée ou artificielle. L’histoire moderne fonctionne très bien à elle seule, la précarité et les ravages causés par l’alcoolisme détruisent toujours autant les corps et les âmes, tandis que les dialogues sonnent justes et que le dessin réaliste presque caricatural parfois dépeint le nord de Paris avec fidélité.
Nul besoin de connaître le roman original même si cela permet d’admirer d’autant plus le travail d’adaptation du trio. Ce dernier a d’ailleurs choisi de conserver un découpage en chapitres lancés par quelques phrases extraites de l’oeuvre originale. Il n’empêche, la lecture de la BD donne envie de relire les autres volets des « Rougon-Macquart » et de découvrir une transposition de celui consacré à Anna (« Nana »), la fille de Gervaise.

Dessinateur: Emmanuel Moynot – Scénaristes: Mathieu Solal et Xavier Bernoud – Editeur: Les Arènes BD – Prix: 22 euros.

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