LA VOITURE D’INTISAR

La condition des femmes au Yémen à travers le quotidien d’une jeune anesthésiste. Une fiction toute simple mais documentée, émouvante et drôle.

« La voiture d’Intisar » a été achevé le 9 octobre 2011, deux jours après la remise du prix Nobel de la paix à Tawakkul Karman, une jeune femme yéménite qui lutte pour les droits de l’Homme et les droits des femmes. Une jolie coïncidence alors que ce roman graphique de 200 pages raconte le Yémen d’aujourd’hui à travers le regard d’Intisar, une jeune anesthésiste dans un hôpital, et une série de petites histoire drôles, émouvantes ou plus dramatiques mêlant récit à la première personne et dialogues. Le trait au feutre de Nacho Casanova est simple, rehaussé de trames marron. L’ensemble fonctionne si bien qu’on est presque déçu que cette héroïne pleine de vie et attachante n’existe pas. Du moins pas complètement car en réalité Intisar est la somme d’une quarantaine de femmes rencontrées par Pedro Riera et sa femme durant leur séjour d’un an à Sanaa. Les témoignages et les anecdotes accumulés ont servi à composer le portrait d’une jeune femme moderne de 27 ans, au bon niveau social et à la forte personnalité mais brimée comme les autres par une société arbitraire dirigée exclusivement par les hommes.

Intisar n’est pas une militante active des droits de la femme, le joug de son père et de la société elle le subit elle aussi. Mais intelligente et drôle, elle lutte à sa manière en se trouvant des espaces de liberté surprenants: fumer, « griller » les hommes en voiture, profiter du niqab (le voile intégral qui ne permet de voir que les yeux) pour faire incognito des choses interdites…. Pour Pedro Riera, c’est bien la société qui est en cause ici, pas la religion. Si au détour d’un chapitre, son héroïne déclare ne pas comprendre le soutien occidental apporté aux caricatures de Mahomet, « comme si on crachait à la figure de notre mère », elle rappelle ailleurs que nulle part n’est écrit dans le Coran que la femme doit se cacher le visage…

Une annexe en fin d’album permet d’en savoir un peu plus sur le système de ségrégation sexuelle au Yémen. Plutôt effrayant.

Delcourt

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