LA THEORIE DU GRAIN DE SABLE – Tome 1

Depuis qu’un guerrier venu du Boulachistan a débarqué à Brüsel, il se passe d’étranges phénomènes chez d’honnêtes habitants. Un album très prenant à l’esthétisme réussi.

Une bande dessinée en noir et blanc dans un carnet à l’italienne (au format horizontal) à la couverture souple et un coffret cartonné pour le ranger, l’album n’est certes pas donné (17,50 euros) mais il a de quoi séduire dès le premier regard. Le nom de ses auteurs, Schuiten et Peeters, devrait achever de convaincre les plus méfiants.

Et ils auraient tort de se priver car « La théorie du grain de sable », nouvel opus des fameuses « Cités obscures » des deux auteurs, est aussi l’un des albums les plus réussis de la série et l’un de ceux qui font le plus appel au fantastique: nous sommes à Brüsel, en juillet 784. Chaque jour, un vieil homme entasse les pierres qui se matérialisent mystérieusement dans son appartement. A quelques rues de là, le logement d’une mère de famille est peu à peu envahi par du sable sorti de nulle part. Enfin, un chef cuisinier découvre qu’il devient de plus en plus léger….

Ces éléments fantastiques qui s’insinuent progressivement dans un univers apparemment banal – tel un grain de sable dans une machinerie parfaitement huilée… – , ce sentiment d’oppression qui nous prend peu à peu à mesure que les pierres et le sable s’amoncellent, l’enquête menée par une jeune femme et l’impression que la présence à Brüsel d’un guerrier bugti venu vendre des objets d’art a un rapport avec les événements, tout ceci créé un véritable suspense absent des opus précédents.

Graphiquement, « La théorie du grain de sable » est également novateur: Schuiten a abandonné la plume pour le pinceau. Les planches en noir et blanc sont plus contrastées, le trait s’est fait plus épais et les quelques touches de blanc qui se détachent du papier jauni sont utilisées à bon escient. Et si les grandioses paysages urbains laissent ici la place à des décors plus modestes – mais toujours aussi minutieusement détaillés – comme une rue ou un appartement, on retrouve avec joie des éléments des « Cités obscures ». Ainsi la fameuse enquêtrice n’est autre que Mary von Rathen qui fut « l’enfant penchée ». A noter aussi que l’un des personnages de l’album habite la Maison Autrique, restaurée à Bruxelles grâce à Schuiten et Peeters.

En attendant la suite et fin de ce premier tome enthousiasmant prévue pour l’été prochain, les auteurs ouvrent d’ailleurs la porte de cette maison réalisée par l’architecte Horta (1) jusqu’au 2 mars 2008. A découvrir à tous les étages: planches et sérigraphies originales, projections vidéo, objets mystérieux, livres et images introuvables ailleurs… etc.

(1)« La Théorie du grain de sable » à la Maison Autrique, Chaussée de Haecht 266, 1030 Bruxelles. Du mercredi au dimanche, de 12 à 18h (dernière admission à 17h30). Fermé les jours fériés. Entrée adulte: 6 euros. info@autrique.be

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