LA PEAU DE L’OURS
Un vieil homme raconte son passé au service d’un mafieux et son histoire d’amour tragique. Une réussite!
Comme chaque matin, Amadeo grimpe à vélo jusqu’au domicile de Don Palermo sur l’île de Lipari pour lire au vieil homme aveugle son horoscope, rubrique « amour ». Car depuis 75 ans, Don Palermo attend un message codé de son amour de jeunesse, Mietta. Et ce matin là, il décide de raconter son histoire au jeune Amadeo.
Zidrou, on le sait, a plus d’une corde à son arc. Le scénariste de la série à succès « L’élève Ducobu » qui avait également signé en 2010 un émouvant one-shot, « Lydie », nous amène ici sur un nouveau terrain: une plongée dans l’univers sanglant de la mafia et des règlements de compte. Don Palermo n’a que 15 ans lorsqu’il entre au service de Don Pomodoro, chef mafieux local qui étrenne chaque jour un nouveau costume blanc qu’il met un point d’honneur à tâcher de sang avant le coucher du soleil car « un bon boucher se reconnaît à l’état de son tablier après sa journée de travail ». Un sacré personnage que ce Don Pomodoro! Aussi cruel que charismatique, ce petit homme au teint rouge qu’on prendrait aisément pour le diable porte à lui seul cet album, prenant de bout en bout.
Les dialogues (entre Amadeo et Don Palermo) et surtout les textes en voix off (Don Palermo racontant ses souvenirs) y sont pour beaucoup. L’écriture y est léchée, à la fois drôle et cynique, crue aussi souvent. Un régal. « La peau de l’ours » nous plonge dans la noirceur de l’âme humaine, à peine éclairée par le sentiment amoureux, et nous fait nous interroger sur la violence, la cruauté, la vengeance et la lâcheté. Attention, le récit violent et sans concession est à réserver à un public adulte.
Mais le trait aiguisé et les couleurs franches d’Oriel Hernandez (« Joyeuses nouvelles pour petits adultes et grands enfants », ouvrage collectif également scénarisé par Zidrou) ont aussi leur part dans la réussite de cet album. Dans l’ambiance mafieuse des années 30-40 naturellement photogénique, avec de belles automobiles rutilantes et d’élégants gangsters portant costume et chapeau, ses personnages taillés à la serpe ont des gueules inoubliables et une grande expressivité. Un livre à ne manquer sous aucun prétexte, Don Pomodoro ne plaisante pas!
– Dargaud